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29-07-2021

14:44

Patrick Kaboré : «Nous avons la certitude, en termes de livraisons de vaccins, que la Mauritanie pourra couvrir plus de 40% de sa cible»

AMI - En quelques semaines, la Mauritanie est passé d’une trentaine de cas de covid 19 à plus de 200 par jour. Pour faire face a cette troisième vague, les campagnes de vaccination et de sensibilisation continuent. Le comité interministériel chargé du suivi de la pandémie a durci les mesures, notamment la modification de l’horaire du couvre-feu.

La Mauritanie est-elle sur la bonne voie pour l’atteinte de son objectif portant vaccination de 63% de sa population? Le pays est-il prêt à faire face a la forte augmentation des cas graves ? Pour réponses à ces questions et à d’autres, Horizons a rencontré Patrick Kaboré, représentant de l’OMS en Mauritanie.

Horizons: Pour la vaccination contre le COVID 19, les pays à revenu faible dépendent largement de mécanismes comme COVAX et de la bonne volonté de certains pays nantis dans un cadre bilatéral. La Mauritanie, elle, vise la vaccination de 63% de sa population. Comment cet objectif peut être atteint avec des vaccins livrés au compte goutte ?

Patrick Kaboré: La Mauritanie fait résolument face à une troisième vague. Elle fait partie des 27 pays de la région africaine de l’OMS, sur les 47, qui connaissent une résurgence de l’épidémie. En l’espace de deux semaines, la Mauritanie a enregistré une augmentation de 88% des cas. Le pays est passé de 20 à plus de 200 cas par jour.

Cette augmentation s’accompagne, malheureusement, d’une augmentation des cas graves, admis en hospitalisation, des cas qui nécessitent des soins critiques. Une situation qui entraine, malheureusement, des décès. La vaccination est donc l’une des stratégies les plus efficaces pour contrôler la pandémie.

La Mauritanie, a l’instar de beaucoup de pays africains, a adhéré a l’initiative COVAX de l’OMS et d’un certains nombre de partenaires, de gouvernements et d’autres agences des Nations Unies pour disponibiliser des vaccins aux pays a revenu intermédiaire et à faible revenu.

Je voudrais, dans ce sens, vous rassurer. A travers l’initiative Covax, la Mauritanie a reçu une première livraison de vaccins de plus de 150 000 doses d’Astra Zeneca, qui, à ce jour, ont été presque entièrement consommées du fait de l’efficacité de la campagne de vaccination.

Il y a eu cependant un petit problème de visibilité de l’approvisionnement. Avec le gouvernement, l’OMS a fait un plaidoyer qui a abouti à l’inscription de la Mauritanie sur la liste des pays prioritaires pour la réception des prochaines livraisons de vaccins. Nous avons la certitude donc que la Mauritanie recevra, incessamment, 165 000 doses d’Astra Zeneca pour couvrir les plus de 120 000 personnes en attentes de la seconde dose de ce vaccin Astra Zeneca.

Une autre bonne nouvelle: le gouvernement mauritanien a décidé d’utiliser des financements propres pour acquérir des vaccins additionnels en plus de ceux de l’initiative Covax. C’est dans ce sens que le pays va recevoir, via la plateforme de l’union africaine, plus de 300 000 doses de vaccins Johnson and Johnson.

La Mauritanie a également acquis, grâce aux efforts du gouvernement, 300 000 doses du vaccin Sinopharm. Dans le cadre de Covax, a court terme, plus de 380 000 autres doses de Johnson and Johnson seront livrées.

Le gouvernement mauritanien, avec l’appui de l’OMS a donc sécurisé actuellement un nombre suffisant de vaccins qui lui permettra d’évoluer vers ses objectifs de couverture vaccinale de 63% de sa population. L’objectif de l’OMS est, d’ci le milieu de l’année prochaine, de vacciner 70% de la population.

La Mauritanie est donc sur la bonne voie car rien qu’avec toutes les promesses et ce qui a été acquis, nous avons la certitude, en termes de livraisons de vaccins, que la Mauritanie pourra couvrir plus de 40% de sa cible. Donc, rassurez-vous. Il n’y a pas de problème de disponibilité de vaccins.

Horizons: «Si chaque pays connait la quantité de vaccins qu’il aura dans le cadre de mécanismes comme Covax, cela facilitera la planification des opérations de vaccination». C’est ce qu’a déclaré le ministre mauritanien de la santé au cours d’une visioconférence organisée par OMS-Afrique. Y a-t-il suffisamment de vaccins pour les 125 000 Mauritaniens en attente d’une seconde dose d’Astra Zeneca?

Patrick Kaboré: Le ministre de la santé, au cours de cette conférence, a eu raison d’insister sur la nécessité pour les pays d’avoir une visibilité en termes d’approvisionnement. Ce n’est en effet pas la Mauritanie seulement. Il y a eu beaucoup de tensions au sujet de la disponibilité des vaccins du fait de la forte demande et de l’insuffisance même de la production au niveau mondial. La Mauritanie, à un moment, avait des inquiétudes par rapport à l’approvisionnement dans le cadre du mécanisme Ciovax.

Le message du ministre de la santé a été entendu par les autorités de la région sanitaire. Suite à ce plaidoyer et à notre action commune, la Mauritanie, je le rappelle, a été inscrite sur la liste des quatre pays prioritaires qui vont recevoir les vaccins. Au cours de la semaine prochaine donc, la Mauritanie recevra 165 000 doses de vaccin.

Horizons: Donc les plus de 120 000 mauritaniens en attente d’une seconde dose d’Astra Zeneca ne doivent pas s’inquiéter?

Patrick Kaboré: Tout à fait. Il n’y a pas d’inquiétude à se faire car c’est une certitude que la Mauritanie va recevoir, d’ici la semaine prochaine, 165 000 doses. Je précise que, pour recevoir la seconde dose, il faut entre 8 à 12 semaines après la date de prise de la première. Donc, je voudrais rassurer ceux qui sont en attente d’une seconde dose. Ils vont la recevoir dans les délais impartis.

Avec l’augmentation des cas graves dans cette troisième vague, y a-t-il risque de débordements des structures de santé, notamment au niveau de la réanimation?

Patrick Kaboré: C’est le risque majeur dans l’ensemble des pays, y compris ceux développés avec des systèmes de santé plus performants que celui de la Mauritanie. L’un des fasciés de cette épidémie est que la majorité des cas est asymptomatique. Il y a cependant, environ 15% des personnes infectées qui développent des cas graves nécessitant une certaine prise en charge au niveau hospitalier.

Parmi ces 15%, il y a 1, 5% qui nécessitent des soins critiques, invasifs de réanimation. Donc, l’augmentation des infections s’accompagne d’une augmentation prévisible des cas graves. Le risque est la survenue d’une tension insupportable sur les services de santé et d’un débordement de leurs capacités de prise en charge. On sait que la Mauritanie, comme beaucoup de pays africains, a des capacités limitées en termes de réanimation.

La survenue de cette pandémie a bien sur été une occasion de renforcer les capacités de prise en charge et- de réanimation. Mais, malheureuses, il n’y a toujours pas une grande capacité et le risque de débordement existe. D’où la pertinence de toutes les mesures prises par le gouvernement.

D’où aussi l’intérêt du respect des mesures préventives par les populations pour éviter l’explosion des contaminations, pour être sur que le système de santé va pouvoir gérer l’ensemble des cas graves qui vont survenir. La finalité est, en effet, d’avoir le moins de morts possible, que l’on puisse prendre en charge le maximum de cas graves dans les meilleures conditions et réduire ainsi les décès. Autrement, en cas d’explosion des cas, ca sera difficile.

Horizons: Pour la prise en charge des formes graves de Covid, la production d’oxygène est importante. Ou en est la Mauritanie en la matière? Le comité interministériel chargé du suivi du covid 19, dans sa dernière réunion, a décidé «l’Accélération des mesures nécessaires pour fournir de l'oxygène en quantités suffisantes»

Patrick Kaboré: L’oxygène médical est l’un des ingrédients importants dans l’arsenal de prise en charge des cas graves de Covid 19. C’est en effet une affection qui entraine des détresses respiratoires nécessitant un supplément d’oxygène.

La disponibilité des centrales d’oxygène est donc très importante. En Mauritanie, nos n’avons pas une grande capacité nationale de production d’oxygène médicale. Le gouvernement et les partenaires ont conscience de cet état de fait.

Des efforts sont donc actuellement faits pour avoir les quantités d’oxygène nécessaires, notamment au niveau de l’hôpital, ouvert récemment, qui se chargera de la prise en charge des cas graves de covid19 et à l’intérieur, notamment Nouadhibou.

Le ministre de la santé a exprimé des besoins à l’OMS à ce sujet. Des aujourd’hui (mardi 27 juillet) un expert arrive du bureau régionale de l’OMS pour orienter le pays, évaluer l’existant et conseiller les autorités sur les mesures à prendre pour assurer un approvisionnement régulier et de qualité en oxygène.

Horizons: Beaucoup de personnes hésitent face aux vaccins du fait des rumeurs. Les vaccins immunisent-ils totalement?

Patrick Kaboré: Depuis le début de la pandémie, il y a un flot de rumeurs, de fausses nouvelles, de théories complotistes, notamment autour de la vaccination. Ces rumeurs ont surtout été alimentées par les effets secondaires de cette vaccination.

Les effets secondaires, constatés depuis le début de l’utilisation des vaccins contre le covid19, ne sont pas plus fréquents que ceux des autres vaccins.

Dans toutes les opérations de vaccination, l’OMS avec le ministère de la santé, est en obligation de suivre les effets secondaires, les manifestations post-vaccinales graves ou mineures. A ce jour (mardi 27 juillet) en Mauritanie, 177 000 personnes ont été vaccinées contre le covid 19.

Nous n’avons pas un seul cas de décès lié au vaccin covid 19. Il y a justes quelques effets secondaires comme les maux de tête, les fièvres, la fatigue…Je voudrais rassurer en affirmant que les vaccins utilisés en Mauritanie sont homologué par l’OMS, inscrits sur la liste d’utilisation d’urgence. Ces vaccins ont montré leur efficacité.

Le vaccin peut immuniser contre le covid 19. Il est aussi établi que toutes les personnes vaccinées ne développent pas les formes graves. D’où l’importance de vacciner les personnes à risque. Il ne faut pas se laisser divertir par les rumeurs.

En Mauritanie, 21% des plus de 18 ans ont l’hypertension, 08% ont un taux de sucre ou un diabète, 11% sont en surpoids ou obèse. Ces personnes à risque doivent se vacciner car les vaccins sont efficaces et protègent a 100% contre les formes graves.

Horizons: Différents variants du Virus SARS-CoV-2 ont été détectés avec la pandémie. Quels sont les variants détectés en Mauritanie?

Patrick Kaboré: Il y a beaucoup de variants (Alpha, Beta 1, Betat 2, Delta). Malheureusement, tous ces variant existent en Mauritanie. Le ministère de la santé a mis en place un mécanisme de veille sanitaire qui permet de faire des prélèvements réguliers pour détecter les variants qui circulent. Les prélèvements faits ont montré que tous les variants cités existent en Mauritanie, notamment le variant delta qui se transmet plus vite et entraine plus de cas graves.

Comparativement à la deuxième vague, en Mauritanie, il a été constaté une augmentation du taux d’hospitalisation avec cette troisième vague. Cela veut dire que le variant delta est celui qui circule le plus dans le pays. Le nombre actuel de décès est aussi plus important que pour les précédentes vagues. Donc, plus on a une bonne couverture vaccinale, plus on réduit la circulation du virus.

Propos recueillis par Khalilou Diagana



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