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La vie difficile d’une métisse : Leila Moulaye à cœur ouvert à « Le Rénovateur »
S’il est aisé de mener une vie sans tourment dans sa propre communauté, tel n’est pas souvent le cas des métis.
Leila Moulaye, cette jeune fille mauritanienne à la tête nue,se trouve confrontée à deux modes de vie légèrement différents, qui suscitent pour elle des remontrances tantôt de sa famille maternelle, tantôt de son foyer paternel.
Née de parents issus des deux communautés (maure et wolof), elle refuse de se se plier à ce lourd fardeau social, de se trouver l’otage d’une existence infernale, tenant plutôt à faire de son métissage un stimulateur de l’unité nationale vaille-que-vaille, coûte-que-coûte. Le Rénovateur a réalisé avec elle l’entretien suivant
Question : Qui est Leila Moulaye ?
Leila Moulaye : Je suis une simple citoyenne mauritanienne qui a un rêve. Métisse, partagée entre les communautés maure et wolof, c'est ce qui fait que je suis mauritanienne plus que tout le monde, même si, de par ma culture, je suis plus maure.
Mais j'aimerai bien un jour devenir un symbole de l’unité nationale, une personne qui peut parler au nom de tous les mauritaniens sans distinction aucune.
Question : Parlez-nous de votre carrière professionnelle?
Leila Moulay : Je me suis intéressée dés mon jeune âge à la mode et au dessin dont le rôle de mannequin chez les couturiers. Pour le moment, je n'ai aucune carrière. Je viens juste de commencer une expérience musicale. J'ai une belle voix que je compte bientôt faire découvrir à mon cher public.
Question : Pourquoi faites-vous un clip avec des tenues modernes, qui ne reflètent pas la culture mauritanienne?
Leila Moulay : Pourquoi ne pas faire un clip avec des tenues modernes ! Pourquoi beaucoup de gens voient la culture comme une case sacrée où chaque citoyen est condamné à vivre enfermé et où toute personne qui tente de s’émanciper est diabolisée ?
Regardez autour de vous, dans les écoles, les universités et les marchés et vous allez constater que ma passion n’enfreigne en rien la culture à laquelle vous faites allusion.
Vous rencontrez sans doute quotidiennement beaucoup de femmes la tête nue voire des jeunes filles qui s’habillent de plus en plus à l’occidentale, particulièrement pendant les périodes de canicule et au cours des sorties à la plage.
Question : Comment ressentez-vous la sortie du clip dans les médias?
Leila Moulay : Grâce à ce clip «It started from Nouakchott », je suis devenue un personnage public (pour le meilleur et pour le pire). Evidemment, comme toute personne tentée par la célébrité, j'ai des fans qui m’encouragent à continuer et des gens qui s’opposent à ma carrière, parce qu’ils ne m’ont pas compris, se limitant à décrypter les choses suivant leur prisme étroit. Mais, rassurez-vous, je suis convaincue de ce que je fais et je suis en conséquence très à mon aise par rapport au clip.
Question : Comptez-vous continuer la musique sur le même rythme malgré les critiques?
Leila Moulay : Je répète encore : je suis totalement convaincue de ce que je fais. J'ai des objectifs et des rêves que j’atteindrai Incha Allah même si je dois faire face à l'univers tout entier !
Question : Quelle réponse faites-vous à cette opinion qui vous reproche de vouloir nuire à la culture de votre mère-patrie?
Leila Moulay : Je dis qu'ils exagèrent trop! Qui suis-je pour marginaliser une culture vieille de quelques siècles? Je pense que c'est plutôt une question de liberté et de choix. Il faut comprendre qu'on est en 2013 et que personne ne peut imposer sa vision ni ses gouts à quiconque. Si tu fais partie des modernistes qui s’identifient culturellement à Ould Hamza, n’essaye pas d'imposer ta vision à ceux qui s’identifient culturellement à Seddoum ou Dimi et vice versa.
Propos recueillis par Ba Abou