Cridem

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22-06-2013

08:12

Le rappeur africain Monza rassemble les jeunes contre la violence

Le Mauritanien Limam Kane (connu sous le pseudonyme de "Monza") est l'un des artistes de hip-hop les plus importants en Afrique. Son festival Assalamalekoum annuel attire à Nouakchott des artistes du Maghreb, d'Afrique de l'Ouest et d'Europe.

Magharebia a rencontré Monza le 20 juin à l'ouverture de ce festival d'une semaine, pour en savoir plus sur la façon dont le rap peut favoriser un changement positif sur le continent.

Magharebia: Les médias vous ont cité expliquant que le festival Assalamelekoum aide à lutter contre l'extrémisme. Pouvez-nous nous en dire plus ?

Monza: En tant qu'artistes, nous nous efforçons toujours de faire bénéficier les jeunes ayant du talent de notre expérience, parce que si nous ne les encourageons pas, ils risquent de tourner leurs talents dans la mauvaise direction. C'est la raison pour laquelle nous avons mis sur pied un projet de musique hip-hop destiné spécifiquement à lutter contre l'extrémisme.

Nous devons utiliser tous les moyens pour présenter le véritable Islam aux gens, loin de tout extrémisme et fanatisme. L'Islam est amour, compassion et unité, et est un mode de vie. Quiconque monte des attaques contre le peuple au nom de l'Islam est un terroriste.

Magharebia: Comment avez-vous débuté votre carrière ?

Monza : J'ai commencé à chanter du hip-hop quand j'avais moins de 14 ans. Je m'intéressais à la fois à la musique et à l'écriture ; j'écrivais de la poésie en français et en arabe. Mais j'ai réellement fait mes débuts dans le hip-hop en 2002, après avoir obtenu mon baccalauréat. Je suis allé dans les pays voisins pour acquérir de nouvelles expériences musicales. Le hip-hop était mon genre favori.

Magharebia: Pourquoi avoir choisi ce genre musical ?

Monza: Je pensais que le hip-hop était un art capable de transmettre des messages directs et révolutionnaires en même temps...

Le hip-hop est le meilleur moyen de mieux sensibiliser les jeunes, de leur conférer une vision nationale responsable et de les aider à développer un message constructif civilisé pour le bénéfice de toute l'humanité.

Lorsque je parle de patriotisme, je veux dire le patriotisme au sens large, celui qui est lié à la responsabilité et au sens civique. Le patriotisme fait toujours l'objet de débats en Mauritanie et nous, jeunes artistes de hip-hop, le considérons comme notre cause numéro un et comme un point de départ pour aller vers tous les autres pays du Maghreb et d'Afrique.

Magharebia: La coopération régionale est-elle importante pour vous ?

Monza: Je crois maintenant que les Africains en général, et les jeunes du Maghreb en particulier, doivent s'aider mutuellement et agir rapidement pour prendre l'initiative de construire, sans attendre que les gouvernements jouent leur rôle.

Magharebia: Existe-t-il un thème dans votre musique ?

Monza: Je m'attache à des questions qui concernent directement les jeunes d'Afrique du Nord et de l'Ouest. La Mauritanie est un lien entre différentes parties du monde, du fait de sa situation géographique et de sa diversité culturelle et ethnique. C'est un pays du Maghreb où les cultures arabe et africaine se recoupent. Mes thèmes portent donc sur la diversité culturelle, parce que je suis convaincu que la diversité est l'avenir de ce monde.

Je tente également de promouvoir un discours de tolérance, l'un des principes les plus importants de l'Islam.

Magharebia: Quel rôle votre religion joue-t-elle dans vos projets artistiques ?

Monza: En tant qu'artiste musulman, je crois que le message du véritable Islam est la tolérance face à tous les appels qui tentent de donner une image contraire de celle du véritable Islam, que ce soit de la part de groupes radicaux ou des ennemis de l'Islam qui s'efforcent de véhiculer des stéréotypes à son sujet.

Magharebia: Vous utilisez les mots de manière très spécifique pour décrire les radicaux. Parlez-nous en.

Monza: Je n'aime pas le terme "islamiste", qui contient une signification sérieuse et violente, et qui est utilisé pour décrire les radicaux et les extrémistes. Ceux qui l'utilisent tombent dans le piège de la généralisation qui porte atteinte à la signification, parce que l'équivalent correct du terme islamiste serait chrétien et juif, des mots qui ne font qu'identifier des personnes et n'impliquent en rien l'extrémisme.

Je préfère donc décrire directement ces radicaux par les mots "terroristes" ou "extrémistes". Nous ne devrions pas dire "islamistes". J'en avais parlé dans l'une de mes chansons en 2004.

Magharebia: Qu'est-ce qui vous a incité à créer le festival international de musique Assalamalekoum ?

Monza: J'avais remarqué que la Mauritanie connaissait une certaine stagnation culturelle ces dernières années. J'ai donc décidé d'organiser un festival qui puisse réunir des jeunes artistes de hip-hop du Maghreb, d'Afrique et d'Europe pour donner une image positive… montrant que les jeunes Mauritaniens ne sont pas des terroristes et que l'extrémisme et la violence sont rejetés par l'immense majorité des jeunes musulmans mauritaniens.

Je voulais également montrer que l'Islam est une religion de tolérance qui accepte les autres formes artistiques, et que la religion est une relation personnelle entre l'individu et son Dieu, qui n'a rien à voir avec d'autres affaires.

Magharebia: Est-ce cela qui vous a inspiré le nom de ce festival ?

Monza: Oui, je voulais montrer que les mots "Assalam Alekoum" signifient tout, et que toutes les cultures peuvent partager cette expression, qui porte un message de paix, de tolérance et de sécurité.

Il n'est pas logique qu'une religion qui commence par une phrase qui porte un discours universel de paix soit une religion de violence. Cela ne signifie toutefois pas que tous les gens vont renoncer à leur marji'ya et à leurs spécificités. Moi, par exemple, je porte mon propre masque qui exprime mon identité, mais je ne suis pas contre les autres identités et particularités.

Magharebia: Ce festival est également une occasion d'apprendre, disent les jeunes.

Monza: Assalamalekoum n'est pas seulement un festival ; c'est aussi un projet destiné à former les jeunes et à leur enseigner la patience. Il leur permet également de réaliser leurs ambitions. Par ce festival, nous avons réussi à former des centaines de jeunes, y compris ceux qui participent aujourd'hui à des festivals internationaux sous le drapeau de la Mauritanie.

Cela nous a permis de savoir qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir un soutien du gouvernement pour réussir.

Magharebia: L'art peut-il donner aux jeunes du Maghreb un message plus positf que la politique ?

Monza: Je pense que seule la culture peut permettre aux gens de réussir là où la politique a échoué. L'art d'aujourd'hui a réussi à résoudre des crises dans le monde après que la politique ait échoué à le faire. Si le sport a réussi à résoudre des problèmes, l'art rend les jeunes plus responsables.

Magharebia: Les artistes peuvent-ils réellement aider à lutter contre les idéologies radicales et promouvoir la modération ?

Monza: Les artistes de hip-hop sont critiques et révolutionnaires, mais également constructifs et non destructeurs. Pour eux, l'engagement consiste à observer, souligner les erreurs et exprimer publiquement les critiques que les gens expriment secrètement chez eux. C'est un genre musical qui rend les gens positifs, modérés et engagés.

Magharebia: La musique hip-hop incite-t-elle les jeunes à être plus ouverts aux autres ?

Monza: Certainement ! Le hip-hop sensibilise plus les gens. C'est un genre de musique qui peut favoriser les attitudes positives, modérées et engagées.

Magharebia: Quels conseils donneriez-vous aux jeunes pour éviter de tomber dans le piège du terrorisme ?

Monza: J'ai déjà eu l'occasion de le dire, et je le redirai ici : nous devons être nous-mêmes. Nous devons être le reflet de nos valeurs sociales et civilisées, parce que ce sont précisément ces valeurs qui nous évitent d'être violents.

Nous parlons du jihad, mais le vrai jihad consiste à élaborer une approche et une vision complète, et à soulever les problèmes que connaissent nos pays, comme l'illettrisme, la pauvreté et l'arriérisme.

Notre bataille doit se mener contre ces problèmes, pas contre notre peuple ni contre nos frères de l'humanité. Nous devons penser à la manière d'être bénéfiques pour nous-mêmes, pour nos pays et pour notre continent.

En tant que jeunes, si nous rejetons les atteintes envers nous-mêmes, nous ne nous en prendrons pas aux autres



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