Cridem

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10-11-2012

11:11

Postface de l’ouvrage : « O. du Puigaudeau et M. Sénones 'Mémoire du pays maure 1934-1960'.

Carnets de voyages présentés par Monique Vérité ; chez les Editions Ibis Press, Paris 2000. 

En refermant cet album, qui remercier pour le merveilleux parcours des carnets intimes, croquis, photographies, dessins, lavis, aquarelles d’Odette du Puigaudeau et Marion Sénones ?

Qui remercier pour la mise à la disposition du grand publique et particulièrement du mauritanien, de cet impressionnant matériel ayant servi à bâtir, un quart de siècle durant, un véritable mémorial des visages, us, coutumes, environnement et « technologie » des Pays Maures ?

Pour sûr, d’abord Monique Vérité, conservateur à la Bibliothèque Nationale de France, qui, au hasard d’un voyage en Mauritanie en 1985, contracta le virus de la « maurophilie » et découvrit le livre « Pieds nus à travers la Mauritanie » avant de retrouver son auteur vivant à Rabat, au crépuscule de sa très longue vie.

Elle publiera sur elle, en 1992, une excellente biographie : « Odette du Puigaudeau, une Bretonne au désert », préfacée par le professeur émérite Théodore Monod. Voici que Monique Vérité récidive aujourd’hui en réunissant, méticuleusement, ce très riche legs de nos intrépides voyageuses, édité grâce à sa seule ténacité. Mieux encore, elle introduit ce « voyage en pays maure » avec des accents qui retentissent si justement, éclairant, à l’occasion, le tréfonds des deux amies !

Odette, morte quasi centenaire en 1991, la « Bretonne ancrée dans son terroir » qui retrouve chez les Maures un univers proche du sien, celui de » la petite noblesse bretonne attachée à un ordre social… où règne un ordre immuable… » Elle n’est nullement dépaysée en les immensités désertiques comparables à ses propres espaces océaniques ; et le vaisseau du désert, le chameau, somme toute, est une version animée de ses vaisseaux ancestraux. Et malgré tout, elle aura aimé « sa Mauritanie », jusqu’à l’hostilité…

Marion, disparue quinze plus tôt, avait retrouvé ses premières passions d’artiste grâce aux tentations du Sahara atlantique des Maures. Alors, plus discrètement que son irascible compagne, elle accumule les esquisses, capte »gestes et attitudes », brosse »de plus amples tableaux » et nous laisse pour l’éternité des scènes émouvantes de notre quotidien disparu, celui de nos parents…

Remercions donc aussi ces deux amazones du désert en évitant de nous offusquer du « regard de l’autre », le leur, quand elles consignent avec talent par l’écrit, le dessin ou la photo nos défauts, nos manières, nos misères et même notre cruauté… Comptabilisons également leur émerveillement, leur étonnement teinté de sympathie quand elles se retrouvent sur notre galaxie, si éloignée de la leur, qui les séduit pourtant au point de lui consacrer le restant de leurs existences et même au-delà…

Pour tout cela nous sommes redevables à Monique Vérité dont la « complicité » a facilité la découverte ou la redécouverte d’un monde maure alors inaltéré, « barbare » de par son originalité, sobre de par son dénuement, humain de par ses contradictions si extrêmes ; monde que nous avons un peu oublié ou même effacé de notre mémoire collective.

Elle permet ainsi aux mauritaniens contemporains, particulièrement les plus jeunes, de contempler les tableaux des heurs et malheurs de leur passé récent : instants d’hier, instruments d’hier, paysages d’hier, hommes et femmes d’hier…Quand « la vie était facile et simple », comme nous révèle en sa confidence Odette du Puigaudeau.

Washington, octobre 2000.

L’Ambassadeur & journaliste Mohamed-Saïd Ould Hamody

Ancien Secrétaire- Général de la Présidence de la République

Ancien représentant Permanent de la Mauritanie à l’ONU

Ambassadeur de Mauritanie aux Etats-Unis.


 


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