21:51
Clin d’œil : Histoire.
A quoi sert l’histoire ? A rêver, à comprendre, à s’exalter, à cultiver son moi, à haïr, à mentir ? L’Histoire, tout au long de l’histoire, a été pliée, tordue, pressée, repassée, pour servir des desseins nationalistes, tribaux ou politiques. L’histoire n’a pas été toujours celle des chercheurs et des véritables historiens. Elle a été trop souvent domptée, idéologisée.
Mais elle a souvent pris sa revanche, l’histoire. Quand on lui tord le cou c’est souvent les vieux démons des haines et des guerres qui réapparaissent, c’est la face hideuse de l’humanité qui alors relève la tête et ruine les nations et les peuples.
Le 12 Mai, nous avons fêté une date historique, celle de l’attaque du fort de Tidjikja par Sidi Seghir Ould Moulay Zein et ses compagnons. Cette journée a été consacrée, à juste titre, journée de la résistance. Mais ce qui m’a le plus surpris c’est cet appel lancé aux dirigeants et demandant à criminaliser toutes les critiques portées contre la résistance et les résistants : créer un nouveau délit, celui de déni de résistance.
Je trouve cette revendication particulièrement dangereuse car elle porte en elle même les stigmates de la déraison et du dogmatisme. Les historiens ont le droit de creuser, de s’interroger, et ce droit doit leur rester. Notre histoire ne saurait être façonnée par nos seuls fantasmes, elle ne pourrait non plus devenir l’apanage de thuriféraires de l’ancien.
Ce qui me gêne aussi c’est la tentative de récupération de l’acte de résistance par les descendants même des résistants. Il s’agit là, à mes yeux, d’une négation même de l’esprit de la résistance, qui s’est souvent faite, ne l’oublions pas, pour des motifs avant tout religieux et nationalistes et qui, de ce fait même, devrait appartenir à tous.
Tout cela pose le problème mille fois ressassé de l’écriture de notre histoire. Parviendrons nous un jour à jeter un regard sur notre passé sans être obnubilés par les complexes de notre présent ? Resterons-nous toujours prisonniers de la peur de déplaire à tel ensemble ou tel autre ? Saurons-nous donner la parole aux vrais historiens pas aux généalogistes factices ?
Je crois qu’un peuple pour aller ensemble, pour regarder dans la même direction, (ou presque) a besoin de références historiques communes, a besoin de se reconnaître dans un moi antérieur et profond. Il a donc besoin d’histoire, mais d’une histoire qui l’unit et non qui le divise, sa propre histoire et non les généalogies de quelques familles que le hasard ou la plume d’un scribe a mis au devant.
Pourquoi l’Etat mauritanien ne lancerait-il pas un grand projet d’écriture d’une série de livres sur l’histoire de notre pays? Ce projet, financé par les pouvoirs publics, devrait être confié, en toute liberté, aux seuls scientifiques et chercheurs. C’est peut être la meilleure façon d’unir ce pays : lui redonner son histoire, sa vraie histoire, douloureuse, peut être, pleine d’injustices peut être, de rendez-vous ratés, mais son histoire.