04-08-2025 15:09 - Joyeux anniversaire, Monsieur le Président. Pr ELY Mustapha

Joyeux anniversaire, Monsieur le Président. Pr ELY Mustapha

Pr ELY Mustapha -- Cinq années se sont écoulées Monsieur le Président. Cinq années de clairvoyance, de fermeté, de gestion exemplaire de vos gouvernements successifs. En cette occasion solennelle, permettez que l’on salue les immenses progrès accomplis par la Mauritanie.

Car, à n’en point douter, la Mauritanie d’aujourd’hui rayonne de prospérité, d’égalité et de transparence. Grâce à la gestion audacieuse de ceux auxquels vous avez confié la gestion des affaires publiques, notre pays a su multiplier les emprunts internationaux à un rythme jamais atteint.

Que de prouesses ! Près de 3,8 % du PIB en nouveaux prêts attendus chaque année d’ici 2027 : un record continental ! Et à quoi bon produire ou investir dans une économie réelle, quand on peut faire fonctionner l'État grâce aux crédits du FMI, de la Banque mondiale ou de la Chine ? Les générations futures ne pourront que se délecter à en mourir de cette dette soigneusement contractée dont on ne sait ni le pourquoi ni la finalité… et si généreusement laissée en héritage.

Il faut saluer la capacité de votre gouvernement à faire durer la pénurie. Qui d’autre que votre gouvernance pouvait transformer la coupure d’électricité en mode de vie ? À Nouakchott, la population vit désormais au rythme des groupes électrogènes. À l’intérieur du pays, des générations apprennent l’art de réviser leurs leçons à la lumière des téléphones portables.

Quant à l’eau potable, bravo ! Car priver des villes comme Nouadhibou ou Sélibaby d’un accès stable à l’eau relève de l’exploit logistique. Organiser la rareté dans un pays désertique, voilà une politique cohérente. Les femmes peuvent désormais passer leurs journées à faire la queue autour de puits, redonnant ainsi un sens communautaire à la soif.

Notre système éducatif est unique au monde. Il enseigne non pas les mathématiques, mais la patience ; non pas la science, mais l’abandon. Quel besoin d’universités modernes, quand des milliers de jeunes peuvent attendre des concours truqués ou de vagues promesses de recrutement ? L’espoir, voilà un bien vaste programme.

Et pour ceux qui songent à partir, le nécessaire les attend : les embarcations de fortune vers l’Europe sont disponibles, car l’État a sagement renoncé à leur offrir un avenir ici. On l'État accuse de ne rien faire contre les injustices. Quelle erreur ! Il a su conserver avec rigueur les inégalités raciales, tribales et sociales. Haratines, Afro-Mauritaniens, femmes rurales : ils ne se sentent pas seulement exclus, ils sont devenus invisibles. Et l’invisibilité, c’est la paix.

Dans un monde où tout bouge, par des politiques pathologiquement archaïques, on a figé la structure sociale. Stabilité des castes, blocage de la mobilité sociale, consolidation des privilèges : qui dit mieux ?

Au Mali, au Burkina Faso, les groupes armés se déchaînent. Et chez nous ? Ils avancent à petits pas, discrets, presque polis. Ils s’installent sans faire de bruit dans l’est du pays, pendant que nos soldats attendent des victuailles… du carburant ou simplement de la reconnaissance soldatesque.

À l’intérieur, la sécurité est bien pensée : les manifestants pacifiques sont dispersés, les journalistes critiques poursuivis, les blogueurs surveillés. L’ordre règne. Et le silence, plus que jamais, est d’or.

Pendant ce temps, les routes nationales se transforment en couloirs funéraires. Des milliers de Mauritaniens meurent chaque année dans des accidents de la route causés par l’état catastrophique des infrastructures, l’absence de secours d’urgence, et l’indifférence des autorités. Dans les hôpitaux, les scènes se répètent : des malades meurent à la porte des urgences, faute de moyens, de personnel ou simplement d’attention. Le système de santé, déserté par les compétences, croule sous la corruption et le mépris institutionnel.

Et même en garde à vue, la vie ne tient plus qu’à un fil : des citoyens trouvent la mort dans des commissariats, dans des circonstances toujours floues, souvent couvertes par un silence complice. La banalisation de la violence institutionnelle est devenue norme.

Monsieur le Président, votre entourage est exemplaire : il anticipe l’avenir, s’y prépare, l’investit. Villas à Marrakech, appartements à Istanbul, comptes au Qatar, enfants à Dubaï.

Pourquoi attendre la fin du mandat pour partir ?

On ne gère pas un pays, on le quitte proprement.

Cinq ans, et déjà tant de réussites inversées, tant d’espoirs éteints, tant de records battus à rebours.

C’est cela le bilan : une Mauritanie moderne… dans le renoncement. Un pays résilient, non pas grâce à son gouvernement, mais malgré lui.

Que reste-t-il à fêter ? La dignité d’un peuple abandonné, peut-être. Ou son silence, qui deviendra, un jour, un cri.

Faîtes, si vous le pouvez, que cela n'advienne pas. Et si vous ne pouvez pas, au moins vous savez que vous auriez...pu.

وَأَن لَّيْسَ لِلْإِنسَـٰنِ إِلَّا مَا سَعَىٰ
(Sourate Ennajm -39)
Joyeux anniversaire, Monsieur le Président.
Pr ELY Mustapha



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Commentaires (3)

  • clean clean (H) 04/08/2025 21:04 X

    Comme aux temps des razzias, l’« homo maurus » contemporain reste un prédateur — mais raffiné. Hier, il volait les biens d’autrui par la violence ; aujourd’hui, il s’empare des biens publics avec la bénédiction des institutions qu’il gangrène de l’intérieur. Ce n’est plus le sabre, mais le stylo, le contrat, la complicité silencieuse des élites. Les milliards injectés pour résoudre la crise de l’eau à Nouakchott ? Évaporés comme l’eau qu’ils promettaient. Les budgets alloués à la santé, à l’éducation ? Dévorés par des réseaux de prédateurs bien organisés, transformés en villas cossues, bolides européens, et mariages tapageurs. Poussé par une société où le prestige matrimonial supplante toute éthique, l’homme aspire moins à servir qu’à se servir. Il parade dans ses habits neufs sur les ruines d’écoles vides et d’hôpitaux sans matériel, pendant que le peuple, épuisé, regarde ailleurs ou applaudit, résigné ou complice. La corruption n’est plus un dysfonctionnement : elle est devenue le mode de gouvernance. Une razzia moderne, subtile, légalisée par l’impunité et normalisée par l’habitude.

  • clean clean (H) 04/08/2025 19:50 X

    Plus une goutte d’eau ! Les robinets sont à sec. Les bornes-fontaines publiques aussi. En pleine canicule, les familles suffoquent, privées d’un besoin vital. On voit chaque jour des gens parcourir des kilomètres… pour revenir les bidons vides. La soif, la fatigue, la colère. Voilà le quotidien. Et pendant ce temps ? Le président fait le déplacement à Nouadhibou pour inaugurer un robinet… qui se tarit dès le lendemain. Une mise en scène bien huilée pour les caméras, pendant que le pays réel s’épuise. On ne boit pas de promesses. On ne lave pas l’humiliation avec des discoursCe que le peuple veut, c’est de l’eau. Pas du théâtre.

  • diargua (H) 04/08/2025 16:10 X

    Dans un monde où tout bouge, par des politiques pathologiquement archaïques, on a figé la structure sociale. Stabilité des castes, blocage de la mobilité sociale, consolidation des privilèges. Ce paragraphe sera traduit en chanson pour le prochain anniversaire de notre independance.