01-10-2013 18:54 - Il y a 25 ans déjà, le Pr. Elimane Kane nous a quittés

Il y a 25 ans déjà, le Pr. Elimane Kane nous a quittés

Né le 7 Décembre 1933 à Dar El Barka dans le Toro Ouest, Elimane appartenait à cette génération des premiers cadres de la Mauritanie indépendante :

Les Sy Gorel Professeur d’énergie nucléaire, Mohamed Ould Cheikh, Abdoulaye Baro, Ahmed Ould Baba Ould Ahmed Miske, Dr Abdallahi Ould Bah, Dr Touré Racine, Hamdi Ould Mouknass, Bouna Kane qui nous a aussi quittés le 4 Septembre dernier et j’en passe.

Ces quelques cadres de la scène politique ont été associés très tôt par le Président Mokhtar Ould Daddah à son œuvre d’édification d’une République Islamique de Mauritanie en tant qu’Etat africain et arabe souverain et indépendant qui tenait à assumer pleinement son rôle de trait d’union et osait prendre même quelques initiatives d’avant-garde :

Soutien aux mouvements de libération nationale du tiers monde, révision des accords militaires de nature néocoloniale avec l’ancienne puissance coloniale, création de sa propre monnaie nationale, nationalisation de la plus grande société minière (MIFERMA), l’indigénisation du capital commercial et bancaire, etc.

Sur un autre plan, le régime développait des relations de coopération sud – sud avec des Etats qui n’étaient pas en odeur de sainteté avec l’ancienne puissance coloniale, c’était le cas avec la Guinée Conakry avec qui la Mauritanie a pris l’initiative de la création de l’organisation sous – régionale de coopération : l’Organisation des Etats Riverains de Fleuve Sénégal, l’ancêtre de l’Organisation de Mise en Valeur de Fleuve Sénégal (OMVS) qui est aujourd’hui citée en exemple de réussite dans son genre sur le continent africain.

Cette politique d’ouverture, sans aucune arrière pensée de xénophobie a hissé très tôt nôtre pays au statut d’Etat influent, respecté et écouté sur la scène internationale.

Si le Président Maître Mokhtar Ould Daddah était le principal maître d’œuvre de cette politique, il s’appuyait aussi d’un côté sur un mouvement national démocratique militant, et de l’autre, sur des cadres nationalistes, tels que Elimane Kane qui le soutenaient à fond. Ce qui rendait la situation complexe, c’était que ces cadres eux – mêmes étaient divises sur la question récurrente de la cohabitation. C’est ainsi que l’arabisation à outrance, sans préparation est apparue très tôt comme exclusive.

Le Professeur Elimane Kane et quelques rares cadres arabes étaient opposés à cette orientation tout en restant favorables, à l’introduction méthodique de l’arabe dans le système éducatif et dans l’administration en tenant pleinement compte de la composition multiethnique du peuple mauritanien, problème sans doute complexe avec des risques d’exclusion déjà prévisibles des négro – mauritaniens, qui a atteint aujourd’hui son paroxysme.

Ces problèmes qui ne font plus l’ombre d’un doute, demandaient une anticipation, une réflexion courageuse non démagogique pour asseoir l’unité nationale sur des bases solides et durables. Cette réflexion reste d’actualité et doit être poursuivie et mise en pratique avec courage pour donner un contenu crédible à nôtre démocratie et garantir l’unité nationale.

Le professeur Elimane Kane et Moctar Ould Hamidoune et d’autres éminents intellectuels mauritaniens ont élaboré le premier manuel d’histoire de la Mauritanie.

Il me revient avec force, le souvenir de la semaine que j’ai vécue à côté du Professeur Elimane Kane, à Nouakchott en février 1966. En effet des amis m’avaient délégué de France dans la clandestinité avec le passeport du nom ami Ba Ali, en mission de solidarité avec les 19 cadres négro – africains après la publication de leur manifeste prémonitoire qui leur a valu d’être arrêtés et embastilles à NBeika au bord de la Tamourt Naaj.

J’étais venu donc dans la discrétion m’informer de leurs conditions de détention, apporter notre soutien à leurs familles et constituer en leur faveur en cas de procès, le célèbre avocat Maître Nicolas Kaldor de la Confédération Mondiale des Juristes Démocrates.

C’est à cette occasion que j’ai bénéficié de la solidarité et du soutien moral du Professeur Elimane Kane militant syndicaliste, homme de conviction, toujours fidèle à ses engagements. Il a dénoncé avec force la répression qui a frappé injustement ces cadres, et il ne fut soutenu contre la furie du régime que par de rares amis arabes tels Mohamed Ould Cheikh.

Par la suite, il a préféré embrasser une carrière d’expert au Bureau International du Travail (BIT) où il a fini à Genève, Directeur Adjoint et où il s’est distingué par sa compétence professionnelle et sa droiture. Nous nous sommes souvent rencontrés durant cette période toujours en accord dans nos prises de position dans notre combat politique et syndical partagé.

Ce témoignage in memorian, me donne l’occasion de réitérer toute mon amitié à lui même et à toute sa famille :

- A nôtre sœur Aissata Kane, première femme Ministre en 1975 au sein d’un Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie ;

- A nôtre cadet Tidjane actuel Maire de Dar El Barka avec qui j’ai cheminé dans le syndicalisme contestataire ;

- A son épouse Coumba Babali N’Diaye et à ses enfants que je n’ai pas eu le plaisir d’embrasser car ils sont nés ou ont grandi à l’étranger

Innalillahi wa inna ilehi rajioun
Nouakchott ce 15 Septembre 2013
Ladji Traore



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité

Commentaires : 3
Lus : 4601

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (3)

  • Zreiga (F) 01/10/2013 23:30 X

    Inna lillah wa Inna ileyhi raji ´oun . Comme vous dites des visionnaires ,des hommes a qui le bon Dieu avait donné de sa grandeur ; nous avons beaucoup perdu mais prions que leur baraka reste avec nous pour affronter cet avenir incertain . Qu'Allah nous guide dans le droit chemin

  • Yehdid (H) 01/10/2013 23:18 X

    Oui Papa Ladji Traoré, mais vous semblez omettre que Elimane Kane (et deux autres noirs mauritaniens halpular) a été révoqué le même jour de la fonction publique Mauritanie par Moctar Ould Daddah alors Président de la République...

  • zouber (H) 01/10/2013 20:37 X

    Une crème saine de personne hautement grand et grandement patriotes. Produits rares sur le marché mauritanien ou du moins ce qui en reste se comptent sur le bout des doigts.

    Personnellement, je dis que c'est le reste de leur baraka que nous mangions aujourd'hui. Pour ce qui ne sont plus de ce bas monde, que Dieu les accueille en son saint Paradis et pour ce qui sont encore parmi nous, longue vie et bonne santé.