02-04-2013 13:48 - A propos de la réputation de la gendarmerie (Souvenirs)

Je ne sais pas si j’avais déjà lu ou entendu quelque chose à propos de la gendarmerie, lorsque un poste de gendarmerie à été crée à Atar alors que j’étais à l’école primaire. Un ou deux de ces gendarmes étaient européens, les deux autres mauritaniens. L’un assurément s’appelait Sylla était le plus gros et le plus gradé.
L’autre filiforme s’appelait M’Baye je crois. En ville on disait Sylla méchant et M’baye gentil. Mon père en tout cas appréciait Sylla .Le poste de gendarmerie jumelé avec le commissariat de police crée en 1954 était situé dans un coin d’une de nos maisons sise à la place du Rond- point d’Atar.
Les policiers, tous Atarois, s’appelaient El Ken O. Abass (futur gendarme), Ely O. Mahah (futur gendarme décédé il y’à une année), Mohamed O. Tlayor (décédé en 1978) et Mohamed Salem Ahmed Lamaa (aujourd’hui retraité).
On avait, bien sûr, plus peur des gendarmes que des policiers qui nous étaient des nôtres.
Pour les gens de la ville les gendarmes avec leurs courtes culottes, leurs ceinturons, leur revolver à la crosse apparente et leur képi étaient la terreur. Surtout quand ils embusquaient, à Aïn ehl khaïri, à 2 km de la ville, les vieilles « 4X4? et « 6X6? qui transportaient les passagers en surcharge ou qui n’avaient pas toutes leurs pièces en règle.
Ce puits d’Ehl Khaïri, sur la lisière nord de l’affluent de la Batha d’Atar venant de Tawaz était stratégique car sur la route d’Atar- fort Gouraud (actuel f’deirek) dite encore officiellement route Impériale Fédérale N01. Elle reliait Dakar à Casablanca à travers la Mauritanie Occidentale et Tindouf. Le poste de guet était incontournable pour aller aux oasis dits de Tenheraada (autre affluent de la Batha de la ville) satellites d’Atar : Terwane, tweizegt, Zirett lekhcheb, Tizegrez, R’keyna,et Kseîr Torchane.
Les vieilles voitures (Rimbayatt en argot local) achetées aux enchères à l’intendance militaire française, souvent sans lumière, surchargées de passagers, moutons et « meubles » hétéroclites étaient leurs cibles, tout comme, aussi, les vélos sans freins etc.
Plus tard deux gendarmes « maures » comme on les appelait grossiront le groupe.. Je me rappelle d’eux. Tous deux futurs officiers (Sid’Ahmed Ould Laab et Ahmed O. Taher O. M’heïmed Allah yarhamhoum) qui officiaient en boubou.
Et , à la vielle de l’indépendance, surgit la « mauritanisation » totale de la gendarmerie, grâce, notamment, à l’apport des anciens gardes –cercle et anciens goumiers. Toutefois il me semble, c’était en tout cas la pratique dans les cercles administratifs du Nord, que le chef de brigade était toujours français.
Mais chef de brigade ou pas, aux yeux du citoyen, le corps se transforma en devenant moins inquiétant, avec des gendarmes bidane, poular ou soninké, même si les boubous, « seroual » , « hawli« , « Jenayed » et sandales disparurent au bénéfice des culottes et chemises en kaki, ceinturons, képis et bottines… Notre frère aîné, Mohamed Mahmoud, en 1957 s’engagera d’ailleurs dans la » nouvelle gendarmerie mauritanisée ». Il fera l’Ecole de Formation de Rosso, puis celle des Sous-officiers à Fréjus (dans le Var français)…
Puis progressivement la gendarmerie acquis une bonne réputation en poliçant le pays profond où elle devint un élément coutumier et réconfortant du paysage.
J’ajouterai ce témoignage ouï directement de la part d’un ambassadeur français. Lors des « émeutes du pain » de 1994, l’ambassadeur de France à l’époque m’a dit avoir vérifié à des heures reculées de la nuit l’état d’alerte des postes de gendarmerie placées face à leur ambassade. Et à chaque fois il a noté des rondes et des brindilles allumées autour desquels discutaient des gendarmes bien éveillés et bien vigilants !
Jusqu’à présent la gendarmerie conserve une excellente réputation de sérieux et d’honnêteté. J’espère qu’elle essayera sans répit ni lassitude de conserver cette belle réputation.
Nouakchott, Novembre 2010
Mohamed Saïd Ould Hamody
pour la revue mensuelle « Edarak »