21-03-2013 18:02 - Amadou Demba Ba et Isselmou Ould Abdel Kader : Deux témoins d’une histoire sombre - [PhotoReportage]

Amadou Demba Ba et Isselmou Ould Abdel Kader : Deux témoins d’une histoire sombre - [PhotoReportage]

« Le Muezzin de Sarandogou », roman d’Isselmou Ould Abdel Kader et « l’obsession du retour » récit autobiographique d’Amadou Demba Ba. Deux livres témoins d’une période sombre de l’histoire de la Mauritanie.

Les années 89-90. Un sale temps de déportations, d’exil, de suspicion, d’exécutions sommaires, de tortures…Dans le cadre de la semaine de la francophonie, les deux livres, le 19 mars, à l’Institut français de Mauritanie à Nouakchott, ont été dédicacés par leurs auteurs.

Une séance dédicace organisée par leur éditeur, la librairie 15/21 et animée par Manuel Bengoéchéa, Chercheur en littératures francophones, spécialiste de littérature mauritanienne francophone

« Le Muezzin de Srandougou »

Ould Abdel Kader était gouverneur pendant cette période sombre. Il a vécu les humiliations infligées aux negromauritanien par les forces de sécurité...pendant cette période, Isselmou a aussi vu les « justes », ceux qui ont refusé de tremper dans le racisme ambiant. Pourquoi avoir choisi la fiction, le roman pour parler de faits d’une telle gravité ?

« Les mauritaniens ne sont pas prêts à regarder leur passé en face. » Un passé très récent. Peut-être aussi parce que raconter quand des acteurs sont encore vivant… « Il faut exorciser par la littérature mais aussi par la justice… » dit Ould Abdel Kader. « Le muezzin de Sarandougou a été préfacée par le Pr Mohamed El Hafez Tolba.

« L’obsession du retour »

Amadou Demba Ba, auteur de « l’obsession du retour » a lui vécu les Ã©vènements douloureux de l’extérieur. Il était étudiant au Maroc. L’éloignement met a l’abri des atteintes à l’intégrité physique. Mais l’exil, en soit, est une souffrance. Il devient intenable quand les parents et proche laissés au village se retrouvent réfugiés dans un pays étrangers. Amadou a laissé sa famille a Goural (un petit village peul aux environ d’Aleg). Un jour pendant qu’il était étudiant au Maroc, surprise. Il reçoit une lettre posté de Ndioum au Sénégal…

Dans « l’obsession du retour » à travers le parcours d’Amadou, ressort aussi le destin de sa communauté. Les éleveurs peuls, comme le dit le préfacier, de l’ouvrage, Abdoulaye Mamadou Ba, vivent un recommencement sans fin. La sécheresse, les déportations, les camps de réfugiés…

Extrait du « Muezzin de Sarandougou »

« Au fond de la salle, les membres de la communauté martyre ressemblent à des sardines dans l’une de ces boîtes qu’on donne aux recrues en guise de collation. Sur le sol se sont mélangés des excréments humains et des lambeaux de vêtements laissant présumer que les prisonniers se soulageaient sur place depuis leur détention.

Rien ne brille à l’intérieur de la prison. Tous les détenus ont fermé les yeux par pudeur ou par crainte d’être aveuglés par la lumière intense et subite du jour. Zakaria n’a plus pour pantalon qu’une loque dissimulant à peine ses parties les plus intimes. Malado n’a pu garder de son pagne qu’un mouchoir de poche. La vieille Penda n’a plus rien à cacher et les autres sont devenus méconnaissables. Affolé, l’adjudant de compagnie accourt pour informer le capitaine de cette situation et obtenir la permission de rassembler les suppliciés dans la cour.

De son côté, le commandant de la garnison craint que le Sultan ne soit pas au courant de la dimension de ce drame. Il décide de sauver ceux qui peuvent l’être, en estimant plus facile de réparer l’erreur d’avoir permis la sortie des prisonniers que celle de les laisser mourir. Il les rassemble alors dehors, dans le dénuement le plus complet. Pourtant, ils ont l’air de ne sentir ni la chaleur des rayons solaires ni celle du sol.

Ceux parmi eux qui demeurent conscients semblent à l’aise comme s’ils se trouvaient dans un salon feutré, alors que d’autres n’arrivent plus à plier les jambes à force de rester debout durant toute leur période de détention. On les étend sur le plancher flambant à côté de ceux qui ne se retenaient de mourir que pour ne pas embarrasser les vivants. Dans les ventres chétifs et déshydratés des enfants, on aperçoit quelque chose qui ressemble au lait maternel circulant par miracle. »

Extrait d’une lettre reçu par Amadou pendant qu’il était au Maroc. Lettre reproduite dans « l’Obsession du retour »

Demette, le 6/06/1989

Très cher intime, Ba Amadou

« Tu seras sûrement étonné de constater que cette lettre provient de Demette, au Sénégal. En effet, tous les parents d’Aleg, de Goural et de Toufdé Diabé ont quitté la Mauritanie. Il y a ceux qui ont été expulsés de force et ceux qui ont fui. Tes parents, ton oncle Kelel, Mamoudou Diallo, Bowa, Samba Dagga, Thierno Mamoudou Alpha font partie des expulsés, ainsi que les habitants de Toufdé Diabé et de Wendou, tandis que le reste des parents d’Aleg et de Goural ont fui. Nous vivons, vraiment, une situation difficile. (…)

Je te prie et tes parents se joignent à moi de ne pas venir ici pendant les grandes vacances, tu risquerais fort de connaître le même sort que nous tous. Quand à moi, j’étais en vacances, au moment où a éclaté la chasse aux Noirs mauritaniens, par le régime d’Ould Taya. (…) Tes parents et les miens ont été acheminés, hier, vers N’Dioum, une ville située à cinquante kilomètres, à l’ouest de Demette. La plupart des gens d’Aleg y sont déjà. Le gouvernement du Sénégal et le HCR font le maximum pour nous installer dans les meilleures conditions. »


De la part de Ngarta

Khalilou Diagana


Avec Cridem, comme si vous y étiez...
















Commentaires : 6
Lus : 5870

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (6)

  • etudiant (H) 22/03/2013 08:37 X

    Je viens de lire « L’obsession du retour » d’Amadou Demba Ba. Cette autobiographie est écrite avec une simplicité extraordinaire. Je pensais à moment donnée que c’était moi qui était à la place de l’auteur. J’ai faits comme Amadou mes études au Maroc et je peux témoigner de ce qu’il dit dans ce livre.

    Je voudrais que la question des évènements de 89-91 soit intégrée dans les cours de l’histoire de notre pays et que les maures en parlent eux aussi, même s’ils se sentent dans la majorité coupable de ces exactions commises.

    Il n’est difficile de pardonner, il suffit juste de demander pardon, mais quand on nous oblige à oublier, je pense que c’est impossible.

    Amadou n’a pas parlé de la Loi d’amnistie, mais je pense que si aujourd’hui, les instigateurs de ce qui s’est passée dans notre pays entre 86 et 91 ne sont pas juge c’est parce qu’ils sont protégés par cette fameuse loi qui dit : « on vous tue et vous oublier ».

    Pour ce qui est de « Muezzin de Sarandougou ». J’encourage Ould Abdel Kader, ce maure qui a pu écrire ce que la majorité de sa communauté refuse de parler. Il faut qu’on en parle. La relation entre l’Allemagne et la France est aujourd’hui une relation modèle entre les européens. Ils ont fait la guerre, il ya eu des morts des deux côtes, mais ils se sont réconcilier en acceptant de parler et de reconnaitre.

    Nous, ce n’est pas deux pays, nous sommes tous des compatriotes et nous sommes unis par L’Islam, (cet Islam qu’on a oublié entre 89-91), alors privilégions l’Unité Nationale et encourageons le métissage entre nos communauté.

  • Beutbi (H) 21/03/2013 19:21 X

    oui; pendant le regne de maouiya on a tue, j'ai connu un jeune de Rosso qui servait au camp d'akjoujt qu'on a tue, j'ai parle avec lui avant son assassinat, nous savons ceux qui ont comis ces crimes et justice doit etre rendue d'une maniere ou d'une autre

  • lemaure67 (H) 21/03/2013 18:53 X

    Attention : Isselmou OULD Abdel kader est un gouverneur et ministre de TAYA. Il est très mal placé pour parler des crimes de 89-92.

  • brahim ould mohamed (H) 21/03/2013 18:43 X

    C´est sans nul doute l´une des pages sombres de notre histoire, qui continue á nous persecuter á titre individuel et collectif. Par notre lâche silence, nous avons vu nos frères et compatriotes endurcir la souffrance, qui ont fait les frais de pretentions racistes, á la fois de noirs qui voulaient casser du maure, et maures racistes subjugués par l´arrogance et le mèpris.

    Dans cette epreuve, la grande perdante et la Mauritanie profonde, qui souffre de division imposée par les crétins de politicards, et marchands des causes.

    A quand un mauritanien s´exprimera au nom de tous, et non porte-parole d´une ethnie, une tribu, un groupe social determiné. Pour la memoire de nos compatriotes, le mieux pour nous serait de croire á ce dénominateur commun qu´est la patrie.

  • bonguide (H) 21/03/2013 18:39 X

    jE CROIS QUE SI LE PRESIDENT LIT CET ARTICLE, IL COMPRENDRA QUE POUR RETROUVER L'UNITE NATIONALE DONT RÊVENT LES MAURITANIENS DONT LES MAINS NE SONT PAS COUVERTES DE SANG, IMPERATIVEMENT IL FAUT JUGER LES CRIMINELS ET AUTERS INDITRECTS ET DIRECTS DE CES EXACTIONS IGNOBLES DIFFICILES A RACONTER

  • Oumar9 (H) 21/03/2013 18:15 X

    il faut absolument justice, vérité soit faites sur les crimes commis par et couvert par l’etat pour qu’il puisse y avoir réconciliation dans ce pays. C’est impératif et urgent sinon aucun développement, aucune perspective d’avenir est envisageable dans ce pays.

    Au lieu de ca Ould Aziz en prenant mauvaise décision sur mauvaise décision, rallume le feu car soit il est raciste soit il est trop faible pour arrêter les pyromanes et l’éteindre.