Transformer le nomade ou le rural, avec leurs réflexes de « sujet » taillable et corvéable à merci » en « citoyen » est un vrai défi. Le premier se distingue par une mentalité de sujet craintif et docile, ignorant tout sens de l’initiative, privilégiant la situation d’assisté à celui de producteur de biens ou services. Le rural répond à la même image, mis à part, peut être, sa culture de travailleur productif régulier.

Le but recherché est d’inculquer ou cultiver une mentalité de citoyen, leur opposé, qui est une personne consciente, apte à se déterminer et qui « … réunit les conditions nécessaires à la participation à la gestion des affaires publiques » dans le cadre de la cité ou du pays tout entier.

Le but ultime de la sédentarisation devra être d’accompagner le sujet en lui offrant des conditions acceptables de vie et de participation au développent durable du pays.

Ou alors elle devra, cette sédentarisation, lui permettre de survivre, dans le cas extrême, celui de l’exode rural, en citoyen utile et responsable face aux mille et un dangers des villes éclatées en des groupements nombreux et disparates.

Et comme le disait le sociologue allemand Norbert Elias ( dans » La société des individus, » traduit de l’allemand, publié par Fayard, Paris, en 1991. ): »

«Lorsque par exemple la puissance sociale des individus ou des groupes d’un même espace social est extrêmement inégale, lorsque des couches sociales très faibles et occupant par conséquent un rang très inférieur sans grande chance d’élévation dans l’échelle sociale sont liées à d’autres qui ont des chances incomparablement plus grandes d’accéder au pouvoir social et dont c’est le monopole, la marge de décision individuelle des représentants des catégories sociales les plus faibles est extrêmement restreinte; les talents exceptionnels, les personnalités les plus fortement marquées chez les représentants de ces groupes les plus faibles ne peuvent pas se développer, ou ne le peuvent que dans une direction qui ne saurait être considérée que comme *asociale*du point de vue de la structure sociale existante… »

Personne n’a intérêt à la persistance d’une telle situation, qui favorise l’émergence d’un climat conflictuel et même explosif. Et qui plus est, la justice pour certains, la quiétude pour tous commande l’égalisation des chances par l’égalisation des opportunités. C’est cela aussi « accompagner les mouvements de population » pour une sédentarisation réfléchie, harmonieuse, et ouvrant des perspectives de développement durable pour les concernés qu’elles que soient les conditions subjectives de leur origine ou condition sociale ou objectives de localisation de leur établissement humain fixe.

Une sédentarisation qui donne à chaque intéressé une raison de rester dans son terroir vivant décemment et concourant efficacement à la création de richesse nationale pour son plein épanouissement et celui de sa communauté. Une sédentarisation correctement accompagnée et encadrée qui donne à ses bénéficiaires l’espoir. Une sédentarisation qui suscite le refus de succomber à l’attrait factice de l’exode rural. Un exode rural qui ne produit que la misère de l’exclusion et la marginalisation des parias…

Nouakchott les 28 et 29 juillet 2003 correspondants aux 27 et 28 Joumadi I, 1424.

Mohamed-Said Ould Hamody.