07-12-2012 11:00 - Témoignage historique : Lettre ouverte au Président François Mitterrand (1)

Témoignage historique : Lettre ouverte au Président François Mitterrand (1)

Monsieur le Président,
Malgré votre surprenant activisme personnel, et spontané en apparence, en faveur de cette croisade contemporaine, la plus importante, la plus spectaculaire et la plus meurtrière entre toutes et l’envoi, à travers mers et continents, de milliers de fils de France pour aller dévaster de lointaines contrées arabes et mourir en une querelle sans motif, nous avons décidé, en « amis », de vous adresser cette correspondance.

Nous avons décidé de vous écrire, malgré surtout cette invraisemblable, et sans déclaration de guerre, agression de terres irakiennes (et de leurs cieux) par votre grand pays, dans le sillage des deux principales puissances anglo-saxonnes : les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord.

Tout simplement nous valorisons à sa juste mesure la qualité exceptionnelle des rapports qui lient la France à la Mauritanie depuis plusieurs siècles, mais avec une intensité particulière depuis le 19e. Et, aussi, nous gardons au fond de notre mémoire collective, l’alliance nouée, au I6e siècle, entre la France et l’Islam, grâce à la clairvoyance d’un autre François, premier celui là, qui a su dépasser préjugés et passions d’une époque jugée portant « intolérante, barbare et obscurantiste ».

Certes avant cette alliance, les Capétiens ont été les champions européens, avant la lettre de l’ « anti-islamisme ». Ce faisant ils ont transformé la France en le lieu principal de rassemblement des croisades pour une autre prétendue libération : celle de Jérusalem, patrie d’ Issa Ibn Mariem ou Jésus sur lui le salut. L’historien émérite que vous êtes se rappelle sans aucun doute que cette » libération » a été pour l’Europe l’occasion d’un monstrueux défoulement.

Elle a engendré, en même temps, pogroms et autres atrocités et souffrances indicibles aux populations musulmanes, chrétiennes orientales et juives ; a donné lieu à un sac en règle de tout l’Orient, aux profanations des lieux saints chrétiens, musulmans et juifs indistinctement. L’orient en sortira dévalorisé, humilié, ruiné, dominé jusqu’au sursaut dirigé par un homme de Tekritt : Salah Eddin Al Ayoubi, votre Saladin !

Bien après l’alliance du 16e siècle, la France, fille aînée de l’Eglise Catholique, a eu souvent à entreprendre des expéditions militaires en terres d’Islam.

En Afrique du Nord qu’elle subjuguera dans les conditions que l’on sait. Au Levant, où après le mandat sur le Liban et la Syrie, elle se débattra dans tous les conflits de minarets et de clochers. En Egypte où elle n’aura de cesse qu’en emportant l’obélisque, des centaines de papyrus et des momies entières ; après, dit-on, avoir défiguré, et pour l’éternité, le Sphinx des Pyramides de Guizeh. En Afrique Soudanaise, où elle se battra contre les grands conquérants musulmans noirs. Notre pays affrontera le vôtre en ce duel continu, alors, entre le croissant et la croix.

Mais la France, fille aînée de l’église, s’est voulue et, mieux encore, s’est auto -proclamée « puissance musulmane » pendant prés d’un siècle. C’est là une raison supplémentaire pour vous écrire avant de vous condamner sans appel. Cet amalgame là et cette précipitation ne sont pas dignes des sentiments d’amitié devant exister entre nos peuples. En ce qui nous concerne, au moins, cette attitude jure d’avec la civilité de l’Islam et le code moral des Arabes.

Et qui plus est, l’homme que vous êtes, dont nous connaissons parfaitement l’incroyable ténacité, la grande intelligence et le pouvoir inégalé d’échapper à l’usure, nous a toujours subjugués. Déjà votre accession au pouvoir suprême, en France, le discours généreux à la bouche et une rose à la main, après un autre septennat médiocre, sous développé et prétentieux, a suscité un légitime espoir chez de nombreux amis de la France au sein des pays arabes, islamiques et africains frères dont, bien sûr, le nôtre.

D’autant que, dans notre semi- désertique « coin du cosmos », nous connaissons et apprécions les rapports personnels que vous entretenez avec la Mauritanie et les mauritaniens.

Cependant, après votre, triomphe unanimement salué, la déception est bien vite apparue avec le retour de l’interventionnisme armé français, notamment au Liban et au Tchad. Bien d’interrogations ont, à ce moment là, hanté nos consciences profondes. Ce mitterrandisme musclé a ressuscité une image plutôt inquiétante : celle du Mitterrand des années cinquante. La vérité est que nous conservions, en notre mémoire individuelle cette fois, votre participation ininterrompue aux gouvernements atlantistes français qui ont vainement essayé une reconquête de l’Indochine avec les encouragement enthousiastes, et l’appui matériel massif, des américains ; tentatives qui s’achèveront avec l’humiliante débâcle finale à Dien Bien Phu en 1954.

Et on vous retrouve encore comme ministre de l’intérieur du Président du Conseil Guy Mollet. Ce socialo –fasciste a littéralement poussé l’Angleterre, aux côtés d’Israël, dans la piteuse expédition de Suez qui a failli provoquer une conflagration mondiales aux funestes et incalculables conséquences.

Déjà, et comme si l’histoire bégaie souvent, les objectifs déclarés des expéditionnaires de cette année de grâce mil neuf cents cinquante six (1956) était la leçon à donner au Président Gamal Abd El Nasser, parce qu’il symbolisait l’immense aspiration à une aube nouvelle pour la nation arabe, l’Afrique et le Tiers monde d’antan. Mais en 1956 l’Organisation des Nations Unies a refusé la manipulation scandaleuse et frauduleuse que le Conseil de Sécurité expérimenta en 1990.

Vous êtes resté membre de ce même gouvernement Mollet qui avait décidé l’envoi du contingent de jeunes recrus français en Algérie, faisant déjà prévaloir la « logique de guerre » sur celle de la négociation avec le FLN (Front algérien de Libération Nationale). Entre parenthèses la logique de la négociation triompha avec un régime de droite, dirigé par l’inspirateur génial du « complot permanent » que l’opposant invétéré et opiniâtre, que vous étiez alors, a tant décrié ?

Mohamed Said Hamody


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