24-10-2012 08:31 - Tribu dans tous ses états et démocratie (1)

J’ai accepté le sujet qui m’a été proposé sans en changer un iota, mais à l’expérience il ne pouvait s’ordonner par un simple acte de volonté. Alors et librement, sans désir de ménager personne et sans intention de provoquer aucun, j’ai décidé de traiter le sujet suivant mon prisme, objectif ou subjectif, déformant.
Mais c’est quoi encore l’objectivisme ou le subjectivisme ? Alors je vais livrer, en toute liberté, des certitudes personnelles bien ancrées, fussent-elles des inepties…Et Même si elles sont franchement à contre-courant, mais éclectiques…Ainsi va, en effet, de la liberté !
Introduction.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs.
« Tribu dans tous ses états et démocratie» tel est donc notre thème central. Peu importe la conjonction de coordination, l’apposition des deux termes ou même leur supposée opposition. Il n’ ya pas forcément antinomie entre « démocratie » et « tribalisme « ; sauf si nous optons pour les deux principes du manichéisme (l’originel de Manès) le bien et le mal c’est-à -dire le bon et le mauvais, blanc- noir, salé- sucré etc. ou pour d’autres manies d’idéologues.
Evacuons tous ces fantasmes. Essayons même d’être pédagogues et commençons par nous entendre sur une même terminologie.
Par exemple » démocratie » vient de demos kratia, mot du grec ancien voulait dire « pouvoir du peuple ». Le terme est différent de termes voisins comme :
» autocratie » ou « gouvernement d’un souverain absolu » qu’il soi roi, émir, chef général de tribu ou de canton.
Ou encore , également, de :
« théocratie » ou « mode de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par des hommes de religion » ; par exemple Zawaya ou leurs cousins Torobe. Différent aussi de » pouvoir aristocratique » ou gouvernement d’une « élite » restreinte par la naissance ou l’acquis de guerriers, lettrés etc.
Mais considérons les normes universelles, aujourd’hui consacrées, de démocratie par toutes les cultures et civilisations et prenons soin de ne pas confondre le concept essentiel, avec les manifestations ou les conséquences…
Pour les contours de la définition voici le contenu de ma besace que je vous livre en vrac :
- la souveraineté du peuple et de son gouvernement ;
- le pouvoir populaire consacré ;
- des élections libres et transparentes respectant les normes dites universelles d’équité « une voix une personne » (femme ou homme) ;
- un gouvernement reposant sur le libre consentement des gouvernés (directement ou par leurs représentants élus) qui donnent, renouvellent ou retirent leur confiance aux gouvernants et représentants ;
- la garantie formelle et effective des libertés fondamentales (d’expression, d’association, de réunion etc.) ;
- libéralisation de la presse privée indépendante (télévisuelle, radiophonique ou par l’écrit) et égalité de traitement (et d’usage) de tous les acteurs politiques ( majorité et opposition pour l’accès aux médias publics ;
- l’institution et protection du pluralisme et diversité politiques, culturels, économiques et sociaux qui ne peuvent être effectives que si les institutions, groupements, associations etc. ne dépendent pas du pouvoir politique pour leur légitimité, leur existence, activités etc. ;
- la reconnaissance des droits et prérogatives respectives des majorité et minorité politiques, ethno- culturelles etc. simultanément et réciproquement ;
- l’égalité totale légalement et effectivement de tous (sans distinction d’ethnie, région, caste, genre, tribu etc.) par un ensemble de législations et des réglementations générales, impersonnelles et régulières ;
- Les formes, genres, limites et équilibres des pouvoirs consignés en un acte fondamental (constitution, charte etc.).
- Etc.
Madame Diane Ravitch, ancienne ministre polonaise a une définition qui servira de résumé à notre recherche d’appréhension de « démocratie « .Citation :
« quand un système politique fonctionne conformément à une constitution qui limite les pouvoirs du gouvernement et garantie les droits fondamentaux à tous les citoyens , ce régime est une démocratie constitutionnelle. Dans une société de ce type, la majorité gouverne et les droits de la minorité sont protégés par le loi et les institutions » (fin de citation).
Vous me permettrez de m’entendre plus longtemps sur l’autre définition celle de la tribu, en raison de ses synonymes, ses dérivations etc. Ainsi peut- être en levant les ambiguïtés entourant « tribalisme » et « facteur tribal » mais, et surtout, le concept de « tribu« , nous aurions entamé l’essentiel du parcours.
De la tribu, essayons d’ignorer la connotation péjorative, méprisante même, affectée au mot qui, dans la conscience des occidentaux, est l’équivalent, ou presque de « sauvage », « arriéré », « primaire ». « Tribu » en français et « Tribe » en anglais ne désigne d’ailleurs que des Africains, des Arabes, les Aborigènes, d’Australie, les Amérindiens et quelques spécimens en voie de disparition en Asie…
Tribu : » division du peuple chez les Anciens » ou » groupe humain vivant sous l’autorité d’un même chef » (définition lapidaire courante)
Tribalisme : » organisation sociale en tribu«
Le Larousse français en donne la définition suivante : « groupement de familles homogènes aux plans linguistique, politique, social et culturel que certains considèrent comme une subdivision d’une ethnie et d’autres comme simple équivalent de l’ethnie. »
Faut-il souligner l’embarras manifeste de la vénérable institution qui a confectionné la définition qui précède ?
Et maintenant, voyons les définitions non moins troublantes pour « nation » et « peuple » de José Etcheveria, juriste mexicain : (citation) « …La nation comme le peuple sont des communautés humaines caractérisées par la participation à un même passé et par la volonté de se construire un futur…La légitimation pour la nation est rétrospective, pour le peuple elle est prospective… » L’Ethnie, la Tribu, la « Ghabila » sont donc aussi « nation » et « peuple ».
Le Président Senghor va plus loin encore en estimant qu’« ethnie » et « race » sont synonymes. Du moins cette citation du linguistique, grammairien et homme politique sénégalais implicitement le laisse supposer : « les négro-africains comme toutes les autres ethnies de la terre… »
En résumé cette étonnante forêt de confusions s’explique par la multiplicité effective de situations contradictoires pour définir des choses aux contours imprécis, mouvants…
Dans l’univers arabo-islamique d’Afrique et d’Asie Mineure, « Tribu » est, en effet, une simple division de l’ethnie. Elle ne se singularise ni par la langue, ni par l’espace occupée, ni par les autres caractéristiques culturelles ou sociologiques conventionnellement identifiées.
Ainsi :
-Chez les maures : Tobalt; TadjakantA; Awlad Allouch etc.
-Chez les Touaregs : Ioullemmeden de l’Est ; Kel Dinnik; Tamesna etc.
-Chez les Somalis : Afars, Issas etc.
IL est aisé d’étendre cette description au Yémen, en Iran chez les Kurdes ou les afghans…
Ici en Mauritanie, et en plus des maures, le « yettode » poular (kane , Dia, Diall, Ly, Sy etc.)
est, en tous genres, semblables à la « ghabila » tout comme les clans soninké (Diawara, Camara, Diagana, Tandia, Diabira etc.) Le sociologue Francis de Chassey assure que » les yettode sont, sans doute, le souvenir d’anciens clans ou tribus nomades ou venus d’ailleurs… »
Quelques autres définitions
Clan : » groupe qui se réfère à un même ancêtre qui a eu une attitude particulière, religieuse , politique ou militaire dans le passé et dont les membres continuent d’e tirer prestige et orgueil. «
Ethnie :
1- « ensemble humain constitué par une communauté de langue, de culture, de structures sociales et économiques »
2- »un peuple , un groupe d’humains ayant un héritage culturel, pour une grande part commun, mais qui n’est pas nécessairement uni sous une même autorité politique »
Ethnicité : 1- » attitude consistant à considérer les autres groupes sociaux en privilégiant le point de vue de son propre groupe social. »
2-« L’idéologie jacobine de notre république, au nom du dogme de l’unité de l’Etat-Nation, a toujours nié la diversité ethnique de la population française.
…Les notions même d’ethnie ou de groupe ethnique sont suspectes, notamment de compromission ou de complicité avec l’idéologie raciste. » Jean-William Lapierre.
Et le préfacier en donne la définition suivante : science qui prend pour objet les migrations de populations d’origine et de culture différentes et leurs relations quand elles entrent en contact ou vivent ensemble au sein d’une même société globale… »
(Préface de « théories de l’ehnicités » par Philippe Poutignat & Jocelyne Streiff-Fenart (puf, Paris 1995
Lignage : « à l’intérieur d’une ethnie ce sont des grandes familles dont l’arbre généalogique fait remonter la « parenté » à plusieurs générations jusqu’à un unique ascendant.
Selon les sociétés la « filiation » se transmet par les pères ( lignée paternelle ou patrilignage) ou par les mères ( lignée maternelle ou matrilignage).
Le principe de base du lignage est : « un pour tous ; tous pour un »
En dehors de « Dar el Islam » et notamment en Amazonie et en Afrique au sud de l’équateur
« tribu » et « ethnie » se confondent en raison de la géographie. Les forêts particulièrement favorisent, en effet, les isolats et le cloisonnement ethnique.
Fermons pour le moment cette querelle en utilisant, puisqu’il est désormais usuel et consacré, ce terme de « tribu » affecté à nous autres « peuples barbares » avec condescendance. Nous nous permettrons cependant de le traduire par « ghabila » qui en donne le véritable sens, ne supposant d’ailleurs pas seulement des liens génétiques, de sang, mais aussi ceux de la vassalité des clients et, d’une façon générale, ceux de la solidarité ; un des aspects de la théorie de l’ » Assabiye », cette remarquable trouvaille d’Ibn Khaldoun ce précurseur auquel nous nous référons plus loin.
Contentons nous de la définition que donne de la « Ghabila » maure, désormais, par commodité, notre modèle de référence, une sociologue « R’gaybatologue », Mme Sophie Caratini : « …à chaque niveau d’appartenance correspond un réseau de solidarités et de rivalités, producteur de devoirs économiques, sociaux, politiques auxquels personne ne peut véritablement échapper et qui conditionnent lourdement le dédoublement de l’existence de chacun… »
Ayant vu combien le terme comporte de significations contradictoires, d’ambiguïtés, convenons que « tribu » peut vouloir dire tant de choses à la fois. Elle peut être une « fraction d’ethnie« ; elle peut être l’ »ethnie« dans son ensemble, elle peut se confondre avec « peuple« ; elle peut être une nation. Et l’ethnie, à son tour, est assimilable quelquefois à race.
Du tribalisme, chargeons-le du sens, pas forcément justifié mais que des certitudes idéologiques l’ont revêtu. « Tribalisme » voudrait alors dire en gros : « tentative ou tentation au travail fractionnel et centrifuge visant à l’affaiblissement de l’Etat et même à son éclatement.»
Cette appréhension est vrai des katangais et gens du Kasaï du Congo ex-belge en 1960 ; des Ovambo de Namibie, des Ibos de la sécession au Biafra nigérian, au Zoulous du Natal etc.
A la limite « tribalisme » a rimé avec « cannibalisme » quant au sensationnel, quand on a » généreusement » octroyé cette pratique abominable aux Baluba du Congo-Zaïre les années soixante. Notons, au passage, que le terme tribalisme n’a jamais, à ma connaissance, été affecté aux pratiques des Croates, serbes, basques et autres flamands. Là il s’agit de « nations »
Pour ceux qui commentent et diffusent faits et nouvelles à travers le monde (sic). Il s’agit de « peuples » parce que le degré d’évolution est, semble t-il, plus élevé, plus… « civilisé » !!
Et ce tribalisme a, longtemps, permis de justifier les échecs en Afrique des tenants du monolithisme et a été, prés d’un siècle durant, le souffre-douleur du parti unique de triste mémoire. Tribalisme, enfin, est souvent, et à juste titre, montré du doigt pour les prébendes,
le népotisme et autres obstacles dressés à l’encontre de l’égalité citoyenne etc.
Mohamed Said Hamody