28-08-2012 15:07 - Rue Ely Ould M’Haimid, La Vaugirard de Nouakchott

Pour les amateurs des jeux de société, Vaugirard fait partie des emplacements à acheter dans le jeu de cartes de Monopoly. C’est aussi cette longue rue parisienne de plus de quatre kilomètres qui prend sa source du Boulevard Saint-Michel, au niveau de la place de la Sorbonne et se termine à la jonction des Boulevards Victor et Lefebvre qui mènent sur le grand parc des expositions de la Porte de Versailles.
Comme Vaugirard, la rue Ely Ould M’Hamid semble être la rue la plus longue de Nouakchott. Les anciens de Nouakchott doivent se rappeler l’anecdote que faisaient circuler de bouche à oreille les gens du Hodh Charghi qui prétendaient que la rue Ely Ould M’Haimid part de l’Hôpital National pour se terminer à Timbedra, fief d’Ely Ould M’Haimid, un département situé sur la route de l’espoir à 1.000 KM de Nouakchott. Malgré la célébrité de la rue Ely Ould M’Haimid, peu de Nouakchottois aujourd’hui sont en mesure de situer son emplacement.
Combien de fois des sources officielles autorisées (Autorités administratives, représentants de la CUN, gendarmes, policiers etc.) se confondent quand elles abordent les problèmes de la circulation routière sur cette voie, en dévoilant au public des sobriquets qui lui sont attribués par des profanes tels : rue Polyclinique, rue Toujounine, rue Taïwan, rue Hôpital, etc. au lieu de l’appellation exacte Rue Ely Ould M’Haimid ?
S’agissant de la Rue Ely Ould M’Haimid, le randonneur observe que de son intersection avec l’avenue Gemal Abdel Nasser à la jonction de la rue Ahmed Ould M’Hamed, l’axe s’apparente à une petite corniche peu agitée, en dépit de la forte densité des habitants de la Medina 3, traversée par la Rue Ely Ould M’Haimid. C’est sur ce tronçon que se situe une branche des fameuses écoles Elvelah, fondées par l’érudit El Hajdj Mahmoud Ba. Ces établissements scolaires jouèrent un rôle primordial dans la propagation de la langue arabe et de l’enseignement islamique. Au bout de la jonction Rue Ely Ould M’Haimid -Avenue Kennedy, se situe l’école Justice.
De la jonction, rue Ahmed Ould M’Hamed, en direction de l’Est et en croisant l’avenue J.F Kennedy au niveau de la place connue sous le nom de carrefour polyclinique, les rues Bakary Magha, Mohand Lehbib, avenue de l’indépendance, M.L. Sakho, la récente et discrète rue du Colonel Mohamed Lemine Ould N’Dayane jusqu’au carrefour de Madrid, la circulation est un enfer. Nonobstant les aménagements effectués en 2009 pour élargir la voie, c’est l’anarchie qui règne.
La voie et ses trottoirs sont saturés et constamment occupés de fait. La régulation des goulets de circulation de cet axe, n’obéit à aucune loi ou règlement. C’est une véritable zone de non droit ou les chauffards de bus, taximan, charretiers, usagers de tous ordres, se bousculent, se piétinent, s’affrontent dans tous les sens, entrainant des carambolages et des bouchons quotidiens sans limites.
Sur la Rue Ely Ould M’Haimid, se sont édifiés les arrières cours des Etats-majors de la Gendarmerie et de l’Armée Nationale, le Mess des Officiers, le service des examens, ex-office du bac, la partie sud du Stade Cheikha Ould Boidya, Le Secrétariat d’Etat à l’Environnement, le Lycée arabe, le GR9 et l’Etat Major de la Garde Nationale : une gigantesque bâtisse beige qui donne l’apparence d’un vieux château médiéval, au grand portail et à la muraille bétonnée.
En 1972 fut construit entre les jonctions Rue Ely Ould M’Haimid -Avenue de l’indépendance et Rue Ely Ould M’Haimid -Mohamed Sakho le collège de la capitale qui recevra l’appellation de Collège Soumeidae, du nom du leader du mouvement estudiantin des années 60, Sidi Mohamed Ould Mohamed Lemine Ould Soumeidae. C’était une appellation attribuée par les partisans du grand militant de première heure de l’avant-garde du mouvement contestataire du régime postcolonial.
Fils d’un érudit et riche instituteur natif d’Atar, Soumeidae débuta son cursus scolaire dans l’enseignement traditionnel (les mahdhras). Il apprend le coran par cœur, une grande partie de l’anthologie poétique arabe classique, les mille vers d’Ibn Malik et les sciences de l’exégète islamique. Aux âmes bien nées, Soumeidae, continua avec brio sa carrière fondamentale, secondaire et universitaire dans l’enseignement moderne en pérégrinant entre Atar, Nouadhibou, Rosso, Nouakchott et Dakar.
Malgré sa mort précoce (25 ans), Soumeidae qui entama sa carrière politique en épousant des idées nationalistes arabes, joua un role actif dans la naissance du mouvement gauchiste inspiré des idées révolutionnaires du moment. C’était du temps de la révolution culturelle chinoise, de mai 68 et de la prolifération des mouvements de libérations nationales tiers-mondistes. Il fut un élément influent de la cellule de Tokomadji qui est à l’origine en 1969 de la création du mouvement prolétaire des Kadihine de Mauritanie d’obédience Maoïste et qui lutta ardemment contre le régime "néocolonial" de Mokhtar Ould Daddah.
Tokomadji est ce village crée en 1929 par l’administration coloniale, situé sur le bord du fleuve Sénégal dans la région de Gorgol et jumelé depuis 1985 avec les villes françaises d’Argenton sur Creuse dans l’Indre, Le Pechereau et Saint-Marcel.
Soumeidae décède le 7 janvier 1970 des suites d’une opération chirurgicale non réussie. Sa tombe repose au cimetière musulman de Dakar et sa mémoire fut glorifiée par un grand nombre de poètes dont le célèbre chantre de l’émancipation des peuples et des causes humaines Ahmedou Ould Abdel Kader. Le souvenir de Soumeidae n’est pas prés de s’effacer de la mémoire de sa génération qu’elle commémore le 7 janvier de chaque année.
Et pour se souvenir d’une autre figure nationale, une rue est baptisée à Nouakchott. C’est la Rue Ely Ould M’Haimid. Né vers 1872, Ely Ould Mohamed Mahmoud ould Ahmed Mahmoud Ould Mokhtar Ould M’haimid, est ce chef de "l’énorme conglomérat des tribus et fractions d’origines diverses", connue sous la puissante confédération des Mechdhouf du Hodh Charghi. Il était à la tète de la tente princière des Mechdhouf dénommée Ehel M’Haimid. Il fut un passionné de la chasse, et un buveur assoiffé de lait et du thé.
Son contact avec l’administration française date de 1906. Mais en aidant les gens de Oualata à contrecarrer l’occupation française, en se signalant à Niemlan aux côtés des résistants et en tentant de retourner au Tagant pour apporter des fonds à Moulaye Idriss, ses rapports avec la colonisation débutent mal. C’est seulement au lendemain de son accession à la chefferie en 1909, en remplacement de son frère tué, qu’il fit connaitre son désir de nouer des relations amicales avec la France. C’est dans ce cadre qu’il se rend en 1911 à Koulouba résidence des français à Bamako, le Hodh à l’époque étant rattaché au soudan français, actuel Mali, pour saluer le Gouverneur Glozel et l’assurer de sa fidélité.
Ely Ould M’Haimid qui décède en 1943 sera remplacé par son frère Ahmedou, le père de Hamoud Ould Ahmedou, ancien ministre, ancien conseiller territorial, ancien président de l’Assemblée Nationale, mort en 2009, à l’âge de 90 ans. Selon le témoignage du politologue Mohamed Yehdhih Ould Breideleil, Ely Ould M’Haimid prêchait avec conviction que "le pluralisme politique était la meilleure méthode de gouvernement" et "qu’il n’a jamais digéré le principe du parti unique". C’était dans une récente chronique intitulée : La Mauritanie et l’Azawad.
Faut-il encore laisser disparaître cette Vaugirard de Nouakchott : la rue Ely Ould M’ Haimid ?
Abuhamdi2@hotmail.com