31-07-2012 22:45 - Rue Leity N’Dyaye Fall, une rue et un personnage oubliés

Existe-t-il une rue au nom de Leity N’Diaye Fall ? Ou se situe-t-elle ? De la réponse à ces questions posées à des personnes de la génération qui a accompagné la naissance de Nouakchott et à certains professeurs d’histoire sollicités pour des éléments biographiques sur le personnage et la rue indiqués, il se dégage que notre mémoire nationale est défaillante.
La réplique à cette interpellation était la même : Rue Leity N’Dyaye Fall ! Non, je ne connais pas. Que faut-il relater aux générations actuelles et futures ?
Le conteur des anciennes avenues et rues de Nouakchott apprend et relate qu’il est consigné dans les archives de l’histoire de la Mauritanie que Leity N’Diaye Fall est un personnage réel, issu de la communauté wolof, l’une des composantes ethniques nationales.
Et la référence à un ancien Schéma du Plan Directeur de la Ville de Nouakchott confirme que parmi les anciennes avenues et rues de Nouakchott figure une rue dénommée Leity N’Diaye Fall. L’encre de l’histoire urbaine de Nouakchott semble indélébile. Située au quartier artisanal de la <>, cette rue prend son départ de la rue Ahmed Ould M’Hamed. Elle se termine à l’Ouest au niveau de la rue Ely Ould M’Haimid. Elle ouvre sur la SOBOMA.
Dans cette rue relativement abandonnée se trouve un gigantesque immeuble dénommé Hôtel El Karama. En face d’El Karama, le randonneur peut constater l’existence d’un autre immeuble à l’image d’un long pylône à deux étages plus rez-de chaussée construits sur une petite superficie de moins de 4O mètres carrés. L’ilot artisanal est ce quartier qui abrite le grand parc automobile administratif de l’Etat.
Aux environs de la rue Leity N’DiayeFAll s’est établi, sur l’ex-propriété du libanais, J. Grenat, un ancien photographe du Président Moktar, l’imprimerie nouvelle gérée par Mohamed Abdellahi Ould Zeine alias M .A.Z. C’était un activiste du mouvement national démocratique qui s’opposait au régime civil postindépendance, rendu célèbre par le slogan et graffitis demandant sa libération : << Libérez Zeine >>. Cela se passait au début des années 70, une ère ou les idées révolutionnaires anti-impérialistes et farouchement opposées aux bourgeoisies compradores étaient à la mode.
C’était l’époque des <> ou le rêve des <> de tous les pays du monde et des intellectuels à l’instar du français Régis Debray étaient de se retrouver en compagnie du <>, idole du moment, pour combattre l’impérialisme américain à partir de la forêt Bolivienne. Le romantisme révolutionnaire, ces années là , était à l’ordre du jour.
Parmi ces illustres chantres intellectuels de Mauritaniens, apôtres de la lutte de classe en Mauritanie figuraient l’ex-Ministre Mohamed Ould Cheikh Ould Ahmed Mahmoud, auteur l’indépendance néo-coloniale, sous le pseudonyme Hamid El Mouritany qui a jeté l’éponge de la politique, il y a quatre décennies et l’ambassadeur écrivain Ahmed Babe Miske, un ancien << idéologue, aux itinéraires compliqués>>, un octogénaire nomade moderne au dynamisme atypique , rédacteur d’une opinion sur << la lutte de classe en Mauritanie>> , In Abdel Malik (A) et al renaissance arabe, colloque interarabe de Louvain, Alger 1972.
M.A.Z devenu homme d’affaires depuis quelques temps évolua sur un autre registre. Il s’est investi dans le mouvement associatif des ONG, en créant un centre médical de prises en charges des malades diabétiques.
Au Nord de l’imprimerie nouvelle, c’est le grand domaine qui appartenait jadis à Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf, une notabilité d’envergure nationale, un témoin vivant de l’histoire de Nouakchott et de la Mauritanie et un vétéran du monde de la politique. Il fut Ministre du premier gouvernement de l’équipe de l’indépendance.
Converti dans les affaires, il bâtit sa fortune dans le domaine du BTP. Il fut membre influent de la confédération patronale et membre de droit du bureau politique national du P.P.M. En 1978, Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf joua un rôle prépondérant au sein de l’aile civile qui a accompagnée le mouvement du 10 juillet ayant renversé le régime de Mokhtar ould Dadah.
Il occupa le poste de Ministre des Affaires Etrangères dans le premier Gouvernement militaire. Après une longue marche laborieuse, Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf coule une retraite tranquille entre ses siens. La question du genre étant d’actualité, il est à rappeler que Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf est l’auteur d’un mémoire intitulé : Le statut de la femme maure et son évolution récente. Paris. Ecole Nationale de la France d’Outre-mer 1958.
Le richissime syrien feu Nejb Nebhani, ses frères et fils ont monté confortablement leurs commerces industriels sur des grandes propriétés foncières qu’ils avaient acquises sur les proximités de le rue Leity N’Dyaye Fall.
D’autres commerçants et hommes d’affaires mauritaniens de renommées ont investi la rue par la construction de quelques grands dépôts. Tout ce beau monde doit il nous faire oublier la rue dédiée à la mémoire de Leity N’diaye Fall ?
Pour la remembrance, il s’avère que Leity N’Diaye Fall est le fils de N’Diaye Fall et qu’il est né vers 1848. Son Père N’Diaye Fall est le fondateur de la branche cadette des Fall. Il enseignait le coran dans sa daira à N’Diago lorsqu’il accéda à la succession de son frère Brahim Fall à la chefferie du canton de ce village. N’Diago est ce plus ancien canton mis en place (1904) sur le territoire mauritanien sous la colonisation française. C’était la porte du désert axée sur Saint-Louis, à <>, comme dit le berger du Palais du Gouverneur Colonial.
Cette proximité géographique favorisa la position politique de N’Diago qui perdit son intérêt au fur et à mesure que les français maitrisent l’espace du territoire conquis avec la suppression des confortements et du trafic en tous genres qui transitaient par cet hinterland. Le canton garda son influence grâce à quelques membres de la famille Fall, fondatrice du village, notamment Brahim et son frère cadet N’Dyaye. Des liens probables de parenté par la mère existent entre la famille Fall et les fameux interprètes : Samba Nour et Doudou Seck dit Bou El Moghdad fils (1867-1943).
Leity Fall a succédé à son père à la chefferie du canton de N’Diago entre 1901 et 1908. Après une interruption de quatre années de chefferie du canton de N’Diago de la branche cadette des Fall due probablement à l’animosité de l’administration à l’égard de L.N.Fall, le clan de celui-ci reprend en main les affaires du canton pour une assez longue période. C’est Abdou Fall, fils de Leyti Fal qui dirigea le canton de 1912 à 1936. C’était le conte d’une rue de Nouakchott abandonnée et d’un personnage oublié.
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