20-03-2012 07:35 - La Francophonie ? Quelle Francophonie ?

La Francophonie ? Quelle Francophonie ?

En ce lendemain de l'ouverture officielle de la semaine de la Francophonie qui s'est déroulée hier au Centre Culturel Marocain sous la présidence de Monsieur Hamza, Président de l'Association Mauritanienne pour la Francophonie, je ne trouve rien d'autre que de partager avec vous un article que j'avais fait paraître en 2004 dans le quotidien Canadien l'Observateur de Toronto sous ce titre : "La Francophonie?Quelle Francophonie?"

Mon avis aujourd'hui est beaucoup plus nuancé qu'à l’époque, mais il peut être intéressant de voir comment l'exil, le racisme et l'isolement urbain peuvent influer parfois sur les gens. Définir une langue, une culture ou toute autre chose c’est nécessairement le faire par comparaison à un semblable.

C’est ainsi que pour parler de la francophonie et surtout à partir du Canada, je suis obligé de parler de l’Anglais, l’autre grande culture voisine. Ne serait-ce que pour dire la conception que j’en ai.

En effet il me semble que l’anglais hors des zones blanches (Europe, Amérique du Nord et Australie) n’a jamais eu de prétentions littéraires ou culturelles. Soit par respect des cultures avec lesquelles il est venu en contact, soit par mépris des populations indigènes non blanches, les considérants peut-être comme trop primaires pour avoir la sensibilité et l’inspiration nécessaires pour apprécier ou influer sur la culture anglaise.

On pourrait donc croire que si une culture anglophone non blanche, a vu le jour, ce fut presque par accident ou par nécessité et non par volonté coloniale. La langue française, véhicule de la culture du même nom, berceau de ce qui allait devenir la francophonie, par contre, elle, a volontairement voulut se propager au travers des conquêtes coloniales françaises. Mais à la différence de l’anglais elle s’est voulue une langue de civilisation et d’administration plutôt que de marchés.

L’empire s’est attelé à créer une armée d’auxiliaires qui devaient lui servir de relais auprès des populations conquises. Ainsi sur les quatre continents des gens se mirent à apprendre que leurs ancêtres étaient les Gaulois. Pour la plupart ils se satisfirent du statut de subalternes que leur octroyait chez eux la langue de l’empire. Puisqu’ils devenaient des rois borgnes aux royaumes des aveugles. Les choses commencèrent à se gâter quand ils décidèrent de rejoindre la métropole et qu’ils voulurent y prétendre à l’égalité que l’école de la république leur enseignait.

Ils découvrirent là, qu’ils n’étaient plus magistrats, enseignants ou docteurs, ici ils redevenaient des nègres ou des boucs (pour les arabes). Certains se dirent, rasons les barbes, habillons-nous comme eux, apprécions le vin ou intégrons leur Histoire, sinon par le vécu du moins par le savoir, peut-être ainsi passerons-nous inaperçus? S’ils ne nous respectent pas, peut-être nous accepteront-ils ? Mais ça ne marchait pas. Il fallait non seulement se renier mais aussi nier son droit à la dignité.

Des gens comme Franz Fanon, diront non. Un non catégorique et sans compromis. Des Senghor ou Aimé Césaire s’inventèrent une culture : La Négritude. Une culture qui ne pouvait être que sous-culture. Imagine-t-on quelque chose qui s’appellerait la Blanchitude ou la Jaunitude ? Mais à l’époque il le fallait. Il fallait se clamer une dignité dans la force du nombre. Venant d’horizons et de cultures éparses, la couleur de la peau qui les différenciait de l’Autre devait au moins les rassembler contre cet Autre.

Plus tard, Senghor (inventeur du mot ``francophonie``) devait parler du métissage comme futur de l’humanité. Mais en attendant, un des ghettos de la culture française se créait. Avant d’être rejoint par ce qu’on appellerait la littérature maghrébine. Œuvre d’autres déshérités de la mère patrie. Premiers jalons de ce qui allait devenir la francophonie.

Le mépris commença de tuer l’empire en Indochine et en Algérie. De Gaules allait l’achever. Au moins dans sa forme administrative. Si même lui, ne s’accommoda pas de la défiance d’un Sekou Touré de Guinée, il s’efforça tout de même d’instaurer un certain respect dans ses rapports avec les autres. Homme de lettres, il était avant tout homme d’action. Il fit l’effort de vouloir entraîner les territoires de l’ex- Empire dans le développement fulgurant qu’il construisait pour la France.

Assurant ainsi le maintien du rayonnement du français. Car après tout nous apprenons d’abord la langue de celle qui nous donne et nous apprend à manger. Incidemment, il allait aussi contribuer au réveil de la langue française au Canada.

Avec Pompidou et Giscard, l’aventure européenne commençait et une certaine indifférence s’installait. Si Mitterrand, paradoxalement, en politique, faisait revivre le mépris impérial, homme de lettres, il comprit la nécessité d’un espace formel francophone. Un espace qui serait producteur et récipiendaire des œuvres culturelles d’expression françaises, qu’on ne pouvait plus appeler françaises.

Il s’agissait pour lui de contribuer de manière institutionnelle à la revitalisation de la langue française en créant un cadre politique d’influence. Mais lui aussi fut happé par l’Europe. Chirac voulut redevenir le bon père de famille gaulliste, mais il avait dans ses rangs les fossoyeurs du gaullisme. Pourquoi tant de politique me dira-t-on? Et surtout française ? Pour au mois trois raisons :

- Si la francophonie est un espace culturel, c’est aussi un espace politico-culturel ne serait-ce que parce que conçu comme tel.

- La France reste encore la métropole. Une métropole méprisante mais la seule que nous ayons.

- Puis finalement, à mon avis, si on veut que la francophonie devienne autre chose que le carnaval folklorique de bas quartiers qu’elle est en train de devenir, cela dépendra d’une réelle volonté politique, pour le moment presque inexistante.

Cette même volonté politique qui s’exprime de manière presque agressive dans la bouche des ministres canadiens et français concernés, quand il s’agit de défendre les parts de marchés des productions culturelles francophone à L’Unesco ou durant les discussions du GATT. Une volonté politique qui pourrait peut-être commencer à s’exprimer dans la définition d’une part, au moins, de respect pour les productions culturelles des pays pauvres de l’espace francophone, mais aussi et d’abord pour les habitants et ressortissants de ces pays là.

D’autre part, au cas où on ne le saurait pas, au Liban et en Algérie, un débat intense a pris pied depuis quelques années entre les américanophiles et les francophiles. Le Cameroun a demandé et obtenu un statut de membre à part entière du Commonwealth. Tout ceci, m’autorise à demander à ceux qui fêtent la francophonie, de quelle francophonie s’agit-il ?

Khaled Abass

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Commentaires (1)

  • maestro (H) 20/03/2012 13:58 X

    francophonie ou franc-maçonnerie ????