02-02-2012 09:11 - Nouakchott a perdu ses diables

Nouakchott a perdu ses diables

On se rappelle, là bas du côté du Ksar, en une époque où on croyait encore aux diables et " au bon Dieu ", qu’il y avait des heures où il était interdit aux enfants de sortir ; il y avait des lieux que même les grandes personnes évitaient prudemment pour ne pas faire de mauvaises rencontres.

Le paranormal se manifestait toujours dans les coins discrets et aux heures indues. C’était une croyance bien chevillée à la foi ; on pouvait se permettre des écarts par rapport à quelques principes religieux mais jamais par rapport à certaines croyances. Dieu pardonne, pas le diable.

Mais ce qui importait, c’était moins l’effectivité de la chose que son rôle social. Tous les enfants savaient que l’appel à la prière du crépuscule était aussi un rappel à l’ordre ; leur champ de jeux, de vagabondages se restreignait ; ils restent dans le quartier, surtout aux environs immédiats de la maison.

Les jeunes commencent eux aussi à se rappeler qu’il y a certains coins qu’il faut éviter. Les sens interdits deviennent fonctionnels la nuit venue. Ne disait-on pas que les diables sont les maîtres de la nuit ? Ils commençaient leur vie active dès le crépuscule.

Ainsi, les hommes se devaient de leur céder la place comme eux, l’ont fait durant le jour. Un pacte non écrit, une sorte de gentlemen agreement dont personne ne connaît ni l’origine ni les raisons. N’empêche que pour lors, aller dans les coins sombres, les coins reculés, c’était tenter le diable !

La fougue naturelle des jeunes s’explique dans cette culture ancienne, par le fait qu’ils logent le diable dans…leurs culottes ; aller à l’écart, se rencontrer en catimini, c’est donc tenter le diable. Une mauvaise rencontre est vite arrivée ; ses conséquences…toujours malheureuses. Ce qui fait que la croyance en l’existence des mauvais génies permet d’éviter bien des mésaventures. Et le génie dans l’affaire réside dans le fait que le diable prend le relais de l’autorité parentale…

Mais on dit aussi que la lumière chasse le diable. Nouakchott est devenue une ville illuminée de mille feux ; l’électricité n’est plus un luxe mais une nécessité de la vie citadine. Ce faisant, on a chassé le diable pour en réveiller un autre plus dangereux : celui qui dormait en nous. Le progrès, en nous éveillant, a tué en nous la croyance. Les enfants ne croient plus aux diables, ils n’ont plus peur de l’obscurité et du silence menaçant du royaume de l’ombre. Bien au contraire, ils les recherchent.

Les discours mythologiques, religieux sont devenus inaudibles. C’est ce qui a ouvert la boîte de Pandore : les agressions sont devenues choses courantes, les mœurs se sont dégradées, l’inconscience s’est confondue avec le courage, l’inconstance avec le réalisme, le concubinage un secret de polichinelle

Actuellement, nous regrettons nos bons vieux diables, nos " Guinarroux, Djiins " et autres sorciers sataniques. Nous regrettons surtout leur innocente méchanceté qui nous donne conscience de l’importance de notre innocence que nous avons perdue à jamais.

Amar FALL.


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Commentaires (1)

  • abraham (H) 02/02/2012 12:11 X

    Vous êtes un nouakchottois d'origine et cela se sent dans cette nostalgie du bon vieux temps. Savez vous qu'il y'avait un "diable" pas loin de l'état major de l'armée, sa spécialité c'était les chauffeurs de taxi et les militaires qui rentraient tard à la caserne.

    Une autre "diablesse" sévissait au cinéma "El Mouna" et elle draguait les clients et au moment de conclure on se rendait compte qu'elle avait des sabots à la place des pieds.

    Mais comme vous les dites si bien, il n'y'avait pas de lumiére partout. Parlez nous aussi des mossis qui coupaient la tête des enfants pour trouver des diamants.