13-01-2012 01:31 - Mohamed Ould Meidah : 'Il est nécessaire de préserver la poésie maure ...

...Ã travers sa retranscription'.
Il y a des hommes qui sont les Gardiens du Temple d’un peuple ou d’une communauté. N’est-ce pas en référence à ces sommités qu'Amadou Hampaté Bâ a formulé son célèbre aphorisme qui dit que «la mort d’un vieux est synonyme d’une bibliothèque qui brûle»?
Mohamed Ould Meidah n’est pas vieux par l’âge, mais par ce qu’il connaît de son peuple et de sa mémoire, qui en fait un de ces hommes pétris de culture qu’il faut jalousement écouter. «Taciturne, peu bavard, serein». Voilà trois qualificatifs qui reviennent dans la bouche de ceux qui ont eu à côtoyer Mohamed Ould Meidah, et que beaucoup à Nouakchott présentent comme un des spécialistes de la poésie maure.
Comme pour donner raison à cet adage de l’opinion populaire qui soutient qu'«un fleuve rempli fait toujours moins de bruit». Cette sérénité accompagne les traits de son visage, sans rides, malgré un âge frisant la soixantaine.
Derrière ses lunettes de lecture et un boubou bleu ciel, il arpente quotidiennement les grands couloirs vides du Musée National, symbole du patrimoine culturel mauritanien, qu’il connaît très bien. Cousin de la diva Malouma Mint Meidah, également issu donc de cette grande famille griotte de mederdra, il en est également le gendre.
Ce natif de Rosso, en 1954, était à la semaine de la Mauritanie en 2010 à Doha, où le pays pour l'occasion, n'avait présenté que le pan culturel des maures, pour illustrer l'enracinement des arts mauritaniens. «La Mauritanie est plurielle culturellement, cela personne ne pourra jamais l'enlever ou l'occulter sur la durée» murmure-t-il derrière une barbe poivrée de quelques jours.
Co-fondateur du journal Le Calame avec le regretté Habib Ould Mahfoudh et Mohamed Fall ould Oumeir, de la Tribune, il est également chargé de missions au cabinet du Ministre de la culture, de la Jeunesse et des Sports, coordonnateur de la cellule culture et patrimoine chargé de l’organisation des manifestations culturelles à caractère international, et secrétaire exécutif de l’Union des écrivains-poètes chargés des arts traditionnels.
Le poète
Dans ses mots qui font référence à la mémoire et à l’imaginaire maures, est dépeint ce peuple nomade originellement. Une encyclopédie vivante. Il évoque cette poésie «qui existe depuis des temps immémoriaux», comme s’il les avait vécus, qu'il avait pris des banquets avec les grands poètes maures qui selon lui, sont «des sortes de guides et de visionnaires qui ont toujours été au cœur de la société traditionnelle, et qui continuent de jouer pleinement leur rôle bien que ce ne soit plus dans les mêmes circonstances».
Parlant de la poésie populaire, accessible à tous, il rappelle que celle-ci a «ses règles propres», et demeure surtout à ses yeux un outil de communication, parabolique «vecteur de messages». Elle accompagne la société, n’est l’apanage d’aucune caste -surtout quand on sait l’importance des stratifications sociales dans cette société-, elle complète la personnalité et est très apparentée à la musique, qui s’en est «toujours servie d’abreuvoir et de source d’inspiration pour dire le monde» raconte le poète.
Tous les sujets y sont traités, de l’amour à la guerre via la politique qui a d’ailleurs longtemps servi de trame à la poésie dans la résistance coloniale, la valorisation des héros nationaux et même de nos jours, dans le microcosme politique pour exprimer les convictions de tel ou tel parti politique.
Mourante cette poésie avec l'uniformisation culturelle surtout au niveau des nouvelles générations? «Pas du tout» répond-il de ses yeux mi-clos. «Particulièrement ces dernières années, on constate un regain d’intérêt pour la poésie, ainsi que l’érection d’une nouvelle génération de jeunes poètes qui n’ont jamais connu la vie de campagne, sont nés dans la capitale et n'ont pratiquement connu que la modernité, mais tout de même qui excellent dans l'art de la poésie».
Quant à l’avenir de cette poésie, il encourage les jeunes générations à doubler le substrat oral d’une production écrite, pour «pérenniser ce formidable héritage». Il affirme son intention d’écrire surtout en langue française pour «promouvoir une poésie qui a besoin d’être connue dans le monde».
Cheikhna Aliou Diagana