11-01-2012 15:27 - Festival de la «Diversité culturelle» à Nouakchott.
Pendant trois jours, du 26 au 28 décembre 2011, Nouakchott a abrité le 1er Festival de la «Diversité Culturelle ». L’évènement a été organisé par le Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, en collaboration avec le Ministère du Commerce, de l’Artisanat, de l’Industrie et du Tourisme, sur financement du gouvernement espagnol, à travers le MDG-F pour l’atteinte des OMD et l’appui technique du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).
Ce show populaire qui s’est déroulé au Stade Olympique a permis de montrer les diverses facettes de la culture mauritanienne, à travers le cérémonial du mariage, le folklore, les chants, danses, poésies et contes, mais aussi l’artisanat, chez les principales composantes du pays.
Le lancement du Festival de la «Diversité Culturelle » a été marqué le 26 décembre 2011par l’inauguration du «Village Artisanal», un ensemble composite de stands offrant les principales productions issues de l’artisanat local.
Entre les pagnes tissés par des coopératives de femmes Soninkés, les perles et parures sertis par des mains expertes maures, les cases wolofs et les rondeaux fruits de l’imagination Halpularen, les officiels ont voyagé de la savane négro-mauritanienne et des bordures du Fleuve, vers les régions sahariennes et oasiennes de l’espace maure. Une symbiose de couleurs et de goûts qui retrace toute la diversité d’un pays aux milles facettes et que le festival a permis, l’espace de trois nuits, de fusionner dans une même unité de destin.
1ère nuit : Mariages Maures et Soninkés
La première nuit du Festival de la «Diversité culturelle » a été marquée par un chœur chanté par des enfants issus des quatre communautés, une mélodie qui a ensorcelé le public, par la beauté de sa composition et la pertinence de son message, véritable invite à l’unité nationale. Puis, le poète maure Dou Ould Benioug, la poétesse peulh, Hawa Abdallahi Sow et la poétesse soninké Marabouna Diagana,viendront à tour de rôle, rappelé la force des mots et leur ascendance dans des sociétés à tradition orale comme celles qui composent la Mauritanie.
Un ballet Pular de la troupe «Bamtaaré» viendra secouer la torpeur du public sous le roulement des tambours et la souplesse juvénile de ses danseuses, avant que ne soit monté sur scène, le tableau exotique d’un mariage maure.
Les comédiens de l’Union des gens de théâtre de Mauritanie, sous la férule du producteur Taky Ould Abdel Haye, secondé par Selamy et Baba, ont redessiné sous les yeux d’un public amusé et complice, le cérémonial du mariage maure, à partir de la première étincelle d’amour née entre des jeunes au cours d’une séance de «Tesdar» (promenade), à l’orée du campement, du premier cure-dent offert par l’amante comme signe d’assentiment, aux premières démarches de la «Khotba » jusqu’à la célébration religieuse et les noces nuptiales, le tout accompagné de danses, de chants et de musiques.
Au public qui en redemandait, le maestro Fodé Tandia et sa troupe viendront camper une autre facette du mariage en milieu soninké. Un rituel complexe et dithyrambique qui plonge ses racines dans les lointains royaumes du Ghana et de Koumbi Saleh. Toute la majesté et l’emphase du cérémonial seront mises en exergue à travers les accoutrements et les parures traditionnels, les pas de danse lourds et fiers, les balancements et la liturgie chantée par des «maîtres de la parole ».
La soirée a été clôturée par un ballet wolof sous la direction de Medoune Fall.
2ème nuit : Mariages Peuls et Wolofs
La deuxième nuit du festival connaîtra la même ferveur, avec la troupe musicale maure «Ehel Seyid ».
Des notes fiévreuses sur la «Voix Blanche » amplifiées à l’infini par la technologie du son. Puis, le groupe de Kiffa, venu des lointaines étendues de l’Assaba, électrisa l’assistance par le son grave du «Tbal» (tambour), la mélodie du «Neyfara» (flûte) et la féérie du «R’bab» (violoncelle). Le son des instruments n’éclipsa cependant en rien l’adresse des danseurs et danseuses, pas même ce geste de puissance du rituel du mortier qu’un des danseurs fera voltiger par-dessus son corps par la force des dents.
La ferveur créée par ce ballet d’une haute facture sera difficilement dissipée par le parolier wolof Mawdo Guèye, dont la voix puissante et forte transposa l’assistance des bordures du Chargh lointain vers la Chamama et les vallées verdoyantes du Trarza antique, celle des Linguères et des intrépides cavaliers du Walo. Le temps d’une rêverie féérique et voilà que le public se laissa transposer vers le Fouta et la voix enchanteresse du poète peulh Farkory Bâ.
Un bel intermède avant le rituel du mariage en milieu Halpular. Les profanes devaient se faire entraîner dans un univers mystérieux, et découvrir le rituel du «Kapotekelé» qui scelle le sort amoureux de l’enfance dès ses premiers vagissements, celui du «Tonindjirel», celui du «Djiguiranel» où la jeune fille apprend à aimer son futur mari et cousin, celui du «Djamel» ou la demande officielle en mariage, le «Koural » ou cérémonie d’attachement religieux et le «Naniyotadé» qui marque l’entrée de la mariée dans son nouveau foyer.
Du milieu Pulaar où l’instant historique l’avait plongé, le public sera subitement arraché pour submerger dans l’univers maure, à travers un ballet plein de poésie que les danseurs de l’Union des comédiens de Mauritanie avaient admirablement interprété.
C’est ce va-et-vient incessant d’une culture à une autre, dans ce kaléidoscope de la pluralité mauritanienne qui fera toute la splendeur du Festival.
Dans la demi pénombre des néons, se préparait en douce la cérémonie de mariage en milieu wolof montée par la troupe «Dekkal Thiossane».
La scène campée apparaîtra subitement sous l’éclat de la lumière. Un décor typiquement Walo-walo, avec ses cases rondes, son baobab, l’arbre mythique de la savane, le mobilier sobre fait de pilons, de mortiers, de dabas, de nattes…Puis, la voix pleine de douceur d’une tante paternelle sermonnant dans la pénombre d’une case à demi éclairée une jeune futur mariée.
C’est surtout l’anxiété sourde à l’approche de la cérémonie nuptiale où la virginité tient une place centrale dans l’honneur ou le déshonneur de toute une famille, voire de toute une communauté, qui captive le non initié. Puis la délivrance, lorsqu’à l’aube, le pagne tant redouté s’étiole de sang, signe de pureté et de virginité. Cris de joie répercutés dans tout le village, chants et danses autour de la mariée submergée de louanges, et où revient en sourdine la pureté de ses origines nobles.
La clôture
La troisième et dernière nuit du festival, jeudi 28 décembre 2011, a été rehaussée par la présence d’au moins cinq ministres, celle du ministre secrétaire général de la présidence de la République, de plusieurs diplomates et hautes personnalités. Le chœur sur la «Diversité culturelle » chanté par des enfants maures, soninkés, pulars et wolofs, a été réédité pour le plus grand plaisir du public. La troupe de Kiffa a été également rappelée sur scène pour rééditer son exploit, tout comme des poètes des différentes communautés ont déclamé des proses à l’honneur de l’unité nationale.
Le conteur Yahya Ould Rajel a de nouveau sorti de sa gamelle une de ses histoires croustillantes dont il a le secret, puis un groupe de musiciens traditionnels maures est venu tirer son ultime complainte. La dernière image du festival, sera ce tableau artistique des différents mariés, maures, wolofs, soninkés et pulaars avec leurs accoutrements traditionnels et leurs ballets folkloriques.
Instant solennel qui permit aux ministres de monter sur scène et de suivre le mot plein d’espoir de la ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, Mme Cissé Mint Cheikh Ould Boidde. Elle dira n’être pas venue pour clore un festival, mais pour en dessiner les perspectives, louant la qualité des prestations et la richesse de la diversité culturelle mauritanienne qui selon elle «est signe de force et de pluralité ».
Elle a surtout loué les efforts des partenaires, notamment le gouvernement espagnol et le système des Nations Unies en Mauritanie, sans lesquels dira-t-elle en substance, le festival n’aurait pu voir jour. Et de donner rendez-vous à tous au prochain festival prévu en mars 2012 à Ouadane.
Auparavant, le professeur Soumaré avait prononcé un mot au nom des participants. Il avait salué le président de la République et le gouvernement mauritanien pour avoir initié un tel festival qui a permis aux citoyens de diverses communautés de se côtoyer et de s’échanger pendant trois jours à travers leurs cultures et leurs folklores. Il a également remercié le gouvernement espagnol et l’UNFPA pour leur appui technique et financier.
Cheikh Aïdara
Réaction.
Amadi Sow, groupe «Bamtaaré»
«Nous sommes satisfaits de l’idée du festival qui a pêché cependant sur le plan organisationnel. Le lieu de la manifestation est inapproprié car non accessible à la population. D’où le caractère peu populaire de l’évènement. Si vous remarquez, le public est absent dans la mesure où ce sont les festivaliers qui meublent les tribunes.
En fait, nous nous applaudissons nous-mêmes. Il y a aussi absence de moyens mis à la disposition des participants. Nous nous sommes pris en charge, en termes de transports, de nourritures ; même nos déguisements, chaque membre de l’association a mis la main dans sa poche. On nous dit que l’argent sera disponible après le circuit administratif.
Je pense qu’en tant que Festival national, la fête aurait pu être mieux organisée si elle avait impliqué le plus grand nombre de régions et si la sensibilisation a été mieux menée pour faire drainer le public ».
Taher Ould El Id, président de la Troupe de Kiffa
«Ce festival a été à mon avis bien préparé et constitue un excellent évènement culturel. En ce qui nous concerne, c’est la première fois que nous assistons à une fête culturelle d’une si grande ampleur. Jusque-là , nous n’étions connus qu’au niveau de l’Assaba et ce festival nous a permis d’élargir le cercle de notre public. Cette troupe que vous avez vue regroupe des artistes qui ont grandi ensemble et jouent depuis des années. Sur le plan de l’accueil comme de l’hébergement, nous n’avons pas à nous plaindre. Notre principal objectif était de bien représenter notre Wilaya et je crois que nous avons réussi ».
Abdel Karim Ould MBareck, poète-compositeur
«Je préside une association de jeunes à Sebkha. En tant que poète, j’ai déjà assisté au Festival de Carthage de 1989 où j’ai obtenu une médaille, comme j’ai remporté la 3ème place au Festival Maghrébin de 1993 à Nouakchott. Ce festival a été une bonne opportunité et je souhaite qu’il se renouvelle tous les ans ».
Fodé Tandia, président du stand d’exposition de l’Association pour la Promotion de la Langue et de la Culture Soninké
«Il y a eu très peu de ventes à cause de la rareté des visiteurs ou à cause peut-être du manque de moyens financiers des uns et des autres. Sauf que Mohamed Ould Noueigued, est passé et quand il a su que les ventes n’ont pas été fameuses, il a acheté un grand nombre de nos produits artisanaux (pagnes teintes et voiles) et il nous a remis en plus une enveloppe de 100.000 UM »
Par rapport à mon avis sur le festival en général, je pense que l’évènement est survenue à point nommé et qu’il s’agit d’une initiative positive. Cela nous a permis de côtoyer les autres communautés, d’échanger entre nous. Je remarque cependant que le festival n’a pas bénéficié de la publicité qu’il fallait car bon nombre de personnes ne sont pas au courant de cet évènement.
Ce qui me fait penser qu’il a peut-être été trop improvisé et précipité. Les moyens matériels et financiers ont ainsi beaucoup manqué, dans la mesure où le ministère de la Culture ne nous a rien débloqué ».
Sall Djibril, Coordinateur du stand de la «Fédération des Artisans de Nouakchott»
«Notre stand regroupe des artisans issus de toutes les communautés nationales ; les ventes ont été pauvres ; il y avait peu de visiteurs ; mais l’essentiel est que ce festival de la diversité culturelle a eu lieu et a atteint son objectif, ce qui est important ; toutes les communautés mauritaniennes se sont rencontrées, ont parlé et communié ; ce qui constitue pour moi le sommet de la satisfaction ».
Ahmed Ould Jiddou, président de l’Association des Guides de l’Adrar
«Notre stand est plutôt tourné vers la communication pour la promotion du tourisme dans la Wilaya de l’Adrar qui comme vous le savez traverse depuis des années une grave crise qui a plongé l’économie de toute la région dans la récession. Nous sommes là pour vendre la destination Adrar avec ses vestiges et ses sites touristiques et faire revivre un axe Atar-Europe qui a été pendant des années florissant, mais aussi tenter d’encourager le tourisme interne. Figurez-vous qu’il ya beaucoup de jeunes Mauritaniens qui ignore les richesses historiques et touristiques de cette région. Soit dit en passant, ce festival a été une bonne opportunité pour nous car beaucoup d’Européens, surtout des Espagnols ont visité notre stand.
Nous reprochons cependant quelques défaillances dans l’organisation des stands et du village artisanal, dans la mesure où l’animation musicale a beaucoup fait défaut. Il n’y a pas eu également assez de communication sur l’évènement».
Sid’Ahmed Ould Nemoud, président de l’Association des Guides Sahariens
«Le nombre de visiteur a été en deçà de ce que nous espérions. Le festival a été cependant riche, mais en tant que guide, j’ai des réserves par rapport à son organisation, notamment au niveau des stands d’exposition. C’est dommage car l’évènement aurait pu drainer plus de visiteurs, surtout les quelques touristes qui se trouvent actuellement ici. Notre pays jouit de panoramas exotiques époustouflants, d’un patrimoine historique et culturel qui aurait pu impulser une économie touristique porteuse de développement.
Imaginez le nombre de guides, de chameliers, d’aubergistes, d’hôteliers, de transporteurs, d’artisans qu’une telle économie aurait pu faire vivre, si le secteur faisait l’objet d’une meilleure gestion. Il s’agit en fait d’une industrie riche qui aurait pu faire vivre le pays et les citoyens. Le festival nous a permis cependant de vendre nos produits touristiques. Nous avons reçu la visite de Japonais, de Chinois, mais aussi des Espagnols et des Français ».
Salka Mint Yehefdhou, Chercheuse en Patrimoine culturel
«Je suis spécialisée en patrimoine culturel. J’ai à ce titre déjà publié un livre intitulé «Souvla», une compilation de 40 jeux traditionnels des différentes communautés nationales (maures, pulaars, soninkés et wolofs). J’ai déjà présenté ces différents jeux au Festival de Chinguitty en 2010. J’ai enrichi depuis ce répertoire ce qui m’a permis à ce jour de compiler un total de 130 jeux traditionnels mauritaniens dont seuls 110 ont été édités.
Ces jeux comprennent des jeux d’esprit, des jeux de société, des jeux d’endurance physique et mentale. L’intérêt pour ce patrimoine est d’autant plus vif que le ministère de la Culture a promis de le traduire en langues étrangères. Il intéresse aussi bien un large public mauritanien, africain qu’européen. Depuis le début de ce festival sur la diversité, mon stand ne s’est désempli».
Mohamed Sidi Ould Bou Legdane, président de l’Association des Artisans de l’Adrar
«Le Festival sur la Diversité Culturelle a été organisée dans une période difficile, en plein hiver et en fin de mois. A mon avis, on aurait pu choisir une meilleure date. Cependant l’affluence a été bonne et le message essentiel du festival est bien passé, ce qui est essentiel.
Cela nous a permis d’échanger des idées, des productions et des expériences avec les autres communautés nationales. Moi par exemple, je n’ai jamais su de quoi était fait l’habitat soninké, wolof ou pulaar. Le festival m’a permis enfin de mieux les connaître. Sur le plan des ventes, nous ne nous plaignons pas. Nous avons reçu beaucoup de visiteurs et nous avons fait écouler suffisamment de produits».